Victor Iriarte, réalisateur de « Dos Madres » : « J’ai envisagé le film comme un jeu, un jeu très sérieux »

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La bonne santé du jeune cinéma espagnol n’est plus à démontrer. Victor Iriarte en fournit un nouvel exemple avec Dos Madres, un premier long-métrage qui témoigne d’un formidable appétit de cinéma. Evoquant l’affaire des bébés volés sous le franquisme, crime d’Etat à grande échelle, il imagine la rencontre entre deux mères spoliées, l’une biologique, l’autre adoptive, autour de « leur » enfant commun, vingt ans après les faits. Iriarte fait partie de ces cinéphiles compulsifs qui combinent la pratique à l’expertise, puisque, outre ses activités artistiques, il est également sélectionneur pour le Festival de San Sebastian et programmateur de salle. Natif de Bilbao, dans le Pays basque, il s’est formé à Barcelone, notamment dans la sphère d’Isaki Lacuesta, confrère et complice dont il fut l’assistant.

Pourquoi revenir aujourd’hui sur le drame des enfants volés sous le franquisme ?

Je suis né en 1976, quelques mois après la mort de Franco. Cela fait maintenant quelques années que les gens de ma génération posent d’autres questions sur l’histoire récente de l’Espagne, parce que nos parents nous ont transmis le récit officiel : « La démocratie est arrivée et tout était nouveau. » On se doute bien que la transition ne fut pas si simple, parce que les institutions se sont maintenues. Contrairement à des pays comme le Chili et surtout l’Argentine, l’Espagne n’a jamais soldé les comptes de la dictature sur le terrain judiciaire. J’ai des amis très proches qui n’ont jamais connu leur père ou leur mère biologique. Réunissez cinq personnes autour d’une table et l’une aura vécu des faits similaires : quelque chose d’étrange survenu à l’hôpital, à l’église, en pension catholique… C’était donc pour moi une vraie question, à poser depuis notre présent.

Une citation de Roberto Bolaño est placée en exergue : « Ça va être une histoire de terreur. Ça va être une histoire policière, un récit de série noire, et d’effroi. Mais ça n’en aura pas l’air parce que c’est moi qui raconterai. »

J’ai envisagé le film comme un jeu, un jeu très sérieux. Ne pas avoir peur de mélanger les registres, passer d’une tonalité à l’autre. Je ne prétends pas inventer quoi que ce soit, mais quand on croise le cinéma avec la littérature ou la poésie, du nouveau apparaît. On s’est appuyé sur la mémoire du film noir pour ne pas trop en raconter : un revolver, une femme au volant, une voix off et cela suffit, pas besoin d’en dire plus. Ce jeu avec les formes, je l’ai pris chez les écrivains comme Julio Cortazar ou Georges Perec. Et cela n’avait rien de gratuit. Il existait même un rapport très étroit avec l’expérience des mères ou des enfants séparés que j’ai rencontrés pour préparer le film. L’un d’entre eux m’a dit : « Tu sais, Victor, ce que j’ai vécu, c’est un film d’espionnage. Comme on m’a refusé l’accès aux sources officielles, j’ai dû emprunter des chemins souterrains. »

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