« Une étrange défaite. Sur le consentement à l’écrasement de Gaza » : Didier Fassin s’arrange avec les faits

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« Une étrange défaite. Sur le consentement à l’écrasement de Gaza », de Didier Fassin, La Découverte, « Petits cahiers libres », 190 p., 17 €, numérique 12 €.

Personne, en Occident, n’ignore que des dizaines de milliers de civils palestiniens ont été tués par l’armée israélienne. Mais que sait-on des expériences que ces chiffres recouvrent ? Didier Fassin, dans Une étrange défaite, note que les grands médias ne font pas entendre, ou rarement, la voix des Gazaouis. La réalité de leur souffrance devient une donnée abstraite, dont on débat en leur absence.

Le professeur au Collège de France a fait, depuis des années, de l’« inégalité des vies » l’un des axes principaux de son travail d’anthropologue. En dénonçant ce qu’il interprète comme le signe d’une indifférence au sort des Gazaouis, qui s’expliquerait par un « soutien indéfectible » à Israël, il donne à ce concept une ampleur inédite. Cette « injustice suprême » crée une « immense béance dans l’ordre moral du monde », écrit-il avec une indignation qui attise chaque page de ce texte fiévreux, où il s’efforce de comprendre ce « consentement à l’écrasement de Gaza ».

Du moins est-ce l’objectif que semble poursuivre son analyse des nombreux articles et rapports qu’il a dépouillés. Il y trouve, au-delà de la question de la représentation médiatique des souffrances, les preuves d’un soutien massif de la plupart des pays occidentaux à la guerre israélienne, en ­particulier à travers une « condamnation systématique » des protestations. Il n’y trouve même que ces preuves, tous les documents qu’il rassemble allant dans le même sens. De sorte que la démonstration paraît ­implacable.

S’agit-il vraiment de décrire la réalité ?

A ceci près que, sur les questions les plus variées, des indices d’un arrangement avec les faits s’accumulent, qui créent un doute sur la finalité même de ce tableau : s’agit-il vraiment de décrire la réalité, toute la réalité ? La question cruciale de l’inégalité des vies passe bientôt au second plan, l’argumentation étant comme aspirée par cette lecture biaisée des faits. Par exemple, quand Didier Fassin cite le rapport remis aux Nations unies, le 22 avril, sur l’UNRWA, l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens, dont des membres sont accusés par Israël d’avoir participé à l’attaque du 7 octobre 2023.

Passons sur le fait qu’il ne mentionne pas l’enquête de l’ONU dévoilée le 5 août, qui confirme la possible implication de neuf salariés de l’agence. Sans doute son livre était-il déjà achevé, même s’il aurait pu remarquer qu’elle était en cours. Mais il écrit surtout que le rapport d’avril aurait salué la « neutralité » de l’UNRWA, en « attestant » l’« absence de formulations antisémites dans les livres scolaires » utilisés dans ses écoles. Or, c’est inexact. Si le rapport note qu’un travail a été accompli par l’agence pour « garantir la neutralité », il relève deux occurrences antisémites dans ces manuels, et conclut que « la présence d’une fraction, même réduite, de contenu problématique (…) reste un problème grave ».

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