Tunisiens résidant à l’étranger : Après leurs vacances, quelles sont leurs impressions sur la Tunisie ? | La Presse de Tunisie

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Chaque été, et sous l’emprise de la nostalgie, ils rentrent au bercail à la rencontre de leurs proches, de leurs amis. Sur le chemin du retour, ils laissent derrière eux les soirées parfumées au jasmin, les balades nocturnes sous la lune, les fêtes, les baignades. Rien ne vaut le bonheur intense d’une personne qui foule le sol de la patrie, après une longue absence, même si la frustration et le désenchantement sont, parfois, au rendez-vous. De quoi se plaignent-ils et quelles sont leurs attentes et leurs requêtes ? Des questions auxquelles La Presse a tenté de répondre. Enquête.

Chaque année, une conférence dédiée aux Tunisiens résidant à l’étranger (TRE) est organisée à Tunis, à l’initiative du ministère des Affaires sociales et de l’Office des Tunisiens à l’étranger (OTE). C’est une occasion propice pour débattre de diverses questions que se pose notre diaspora. Pour cette année, les débats ont porté, entre autres, sur la couverture sociale au profit des TRE, dans le cadre des conventions bilatérales signées entre la Tunisie et les différents pays de résidence.

L’ancien secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Mounir Ben Rejiba, avait souligné à cette occasion la volonté de notre pays de mettre en place  une stratégie unifiée, s’appuyant sur un dialogue entre les différentes structures intervenantes, dans le dossier de la migration, en vue de renforcer l’encadrement des TRE et leur attachement à la patrie, et de les inciter à contribuer à l’effort de développement économique et social. Ainsi, le volume des transferts en devises des TRE a atteint 4 milliards de dinars jusqu’à fin juin 2024, ce qui a contribué à améliorer les équilibres financiers.

Des mesures en faveur des Tunisiens à l’étranger

Certains participants ont soulevé plusieurs problèmes relatifs à la nécessité de développer la communication avec les TRE et de simplifier les procédures en matière d’investissement. D’autres ont revendiqué la création d’un ministère de la migration en vue d’assurer une meilleure coordination entre les structures publiques. C’est là en substance un aperçu des questions soulevées et qui ne peuvent en aucun cas refléter les problèmes auxquels sont confrontés assez régulièrement les TRE aussi bien en terre d’accueil de l’autre côté de la Méditerranée que dans leur pays d’origine.

Plusieurs autres mesures ont été prises par le gouvernement en avril 2024 pour assurer leur retour dans les meilleures conditions. Comme la mise en place de plateformes électroniques pour accélérer le traitement des demandes de FCR, l’attribution de 500 billets à bas prix au profit des familles nécessiteuses, l’adaptation de l’espace extérieur pour les voyageurs au port de La Goulette et l’augmentation du nombre de guichets d’enregistrement, l’attribution d’un poste de contrôle frontalier spécial pour les personnes à besoins spécifiques, les personnes âgées et les femmes enceintes.

On souligne aussi la mise à la disposition des TRE d’un espace dédié spécialement aux documents de voyage au sein de la Direction générale de la police des frontières et des étrangers et les consignes données pour réduire le temps d’attente des voyageurs et aménager des itinéraires pour les voyageurs sans bagages et fournir des navettes pour le transport des passagers vers et depuis le centre de la capitale.

Dans une déclaration, le directeur général de l’OTE, Mounir Kharbi, a souligné qu’une convention a été signée avec l’Office national de la famille et de la population (Onfp), en vue de faire bénéficier les familles des  TRE vivant en Tunisie des services fournis par l’Onfp et de réduire le taux de pauvreté chez ces familles et de promouvoir l’enseignement de la langue arabe auprès de la communauté tunisienne vivant à l’étranger. Il ajoute que le nombre de Tunisiens à l’étranger est estimé à 1,8 million, représentant environ 15 % du total de la population tunisienne.

La Tunisie toujours au cœur

En général, un bon accueil a été réservé aux TRE et pas de grands manquements signalés à ce niveau. Le secrétaire général de la Fédération des travailleurs tunisiens à l’étranger (Ftte), Fathi Rahouma, confirme que son association était au rendez-vous pour suivre de très près l’arrivée et le retour des TRE. « Nous avons suivi les instructions données par la plus haute autorité de l’État, afin de faciliter le séjour des TRE sur tous les plans. Personnellement, j’étais au port de La Goulette et à l’aéroport de Tunis-Carthage, particulièrement dans la zone sous douane en tant qu’observateur. Tout s’est bien déroulé. Nous n’avons pas reçu de doléances », insiste-t-il.

A vrai dire, les avis divergent autour des conditions d’accueil et de séjour en Tunisie.  Il faut faire la part des choses et opter pour une position juste et objective. Il y a ceux qui sont satisfaits de leur séjour et ceux qui ont été déçus et n’ont pas manqué de nous faire part de leur désappointement et même de leur colère. 

Généralement, c’est toujours les larmes aux yeux et avec un pincement au cœur que certains TRE quittent le pays à la fin des vacances. Un moment de déchirement à chaque départ. C’est le cas de ce vieux couple qui a passé plusieurs décennies en France et qui vient chaque été profiter de la mer et faire le plein de soleil et de vitamine D, dans leur villa pied dans l’eau à Hammamet ( Nabeul). Pour ce couple, il n’est pas question de passer le week-end à la villa. Il faut bien prendre le temps de savourer chaque moment le plaisir des vacances. C’est dans les vastes palmeraies de la région de Kébili ou de Chenini à Gabès que Fayed et son épouse préfèrent passer de courts séjours.  

L’administration dans le collimateur des TRE

Notre couple ne se plaint de rien ou presque. « C’est quand je prends le volant de ma voiture ou que je m’adresse à une administration pour un service que les choses tournent au vinaigre. Il est inconcevable de voir ces rodéos urbains imposer leur loi sur la route, sans qu’ils ne soient inquiétés », souligne Fayed.

Sur un autre plan, il n’a pas manqué de pointer du doigt la bureaucratie, la complexité des services administratifs. A cela s’ajoute le mauvais accueil dans la majorité des administrations.

Seif H., un binational d’une trentaine d’années, né à Paris, est lui aussi du même avis à propos du non-respect par les conducteurs du Code de la route, ainsi que de la lourdeur bureaucratique. Installé à Carthage, il nous raconte qu’il a trouvé des difficultés pour renouveler son passeport tunisien en Tunisie. Au poste de police, on lui a mentionné que son contrat de travail n’était pas valable, sauf que quelques mois plus tard, il s’est adressé à notre consulat à Paris où il n’a trouvé aucune difficulté à renouveler son passeport. « No comment », nous dira-t-il avec regret. A l’instar de plusieurs TRE, il n’a pas entendu parler des nouveaux espaces aménagés qui leur sont dédiés pour le renouvellement des documents de voyage. C’est là un flagrant problème de communication  sur lequel l’Office des Tunisiens à l’étranger devrait travailler davantage et de manière permanente et non conjoncturelle.

On signale à ce niveau que pareils problèmes sont vécus au quotidien aussi par les Tunisiens qui ne cessent de dénoncer le comportement des agents dans l’administration. « L’administration est en train de bloquer le fonctionnement des services publics. Ce qui se passe n’est pas naturel », n’a eu de cesse de répéter le Président de la République.

Pollution et non-respect des règlements

D’autres TRE avec lesquels nous avons discuté à propos des conditions de leur séjour en Tunisie n’ont pas manqué de critiquer durement la dégradation des biens publics, l’accumulation inquiétante des ordures dans les rues, même dans la capitale. Karim T., résidant en Suisse, ne cache pas son amertume à l’égard des étals anarchiques dans la banlieue nord et l’occupation aussi bien du trottoir que d’une partie de la chaussée par les propriétaires de café. « Comment se permet-on de placer partout des chaises, même sur la chaussée d’une route numérotée à Khereddine (commune de La Goulette) et où est passée la police municipale ? se demande-t-il. A ce titre, on rappelle que les conseils municipaux ont été dissous en mars 2023, ce qui a contribué à la dégradation de la situation générale.

Cela nous mène à un amer constat dans lequel la responsabilité est partagée. Le non-respect des règlements par les citoyens et la non-application de la loi par les autorités de tutelle. Bien évidemment, ce n’est pas toujours le cas, car dans plusieurs gouvernorats, des campagnes sont menées pour lutter contre les étals anarchiques et les infractions à la loi. Dans d’autres gouvernorats, les doléances et requêtes des citoyens ne seraient pas prises au sérieux, d’autant que certains conseillers locaux n’ont pas encore mis la main à la pâte.

Les banques tiennent-elles en otage les comptes en devises des TRE ?

Pour Ridha M. qui travaille depuis une dizaine d’années en Arabie saoudite, c’est surtout les taux de change imposés par les banques aux TRE disposant de comptes en devises qui l’agacent le plus. Ces banques tentent de tirer profit de nos réserves en devises en abaissant le taux de change, lors des virements effectués en devises et en l’augmentant quand il est question pour nous de retirer cet argent. Cela a poussé certains TRE à opter malheureusement pour d’autres solutions en matière de change de devises.  

Ridha ne comprend pas non plus pourquoi la douane demande la déclaration d’importation de devises, lors du retour du TRE à son travail à l’étranger. Notons à ce propos que le règlement est clair et ne prête pas à équivoque. Il stipule que « toute opération d’importation ou d’exportation de devises dont la valeur est égale ou supérieure à l’équivalent de 20.000 dinars tunisiens doit à l’entrée, à la sortie et lors d’opération de transit, faire l’objet d’une déclaration de devises aux services des douanes ».

La petite corruption est toujours là !

Que dire alors de la petite corruption qui est devenue une pratique courante chez les agents embauchés pour effectuer des services intermédiaires, notamment au port de La Goulette ? Jalel K., qui travaille à Berne en Suisse, signale qu’en dépit des caméras installées partout, la petite corruption est présente. « Pour ces agents, le TRE s’apparente beaucoup plus à un butin dont il faut profiter et c’est malheureux de le dire ». Jalel ne cache pas son amertume de voir, à la sortie du port de La Goulette, ces vendeurs de pacotille et les mendiants infester les lieux.

Notre interlocuteur a évoqué en parallèle les retards accusés au niveau des horaires aussi bien dans le transport maritime qu’aérien. Ce qui cause une grande gêne pour les TRE. Habitué à la vie en Suisse, il n’a pas manqué de faire la comparaison entre les deux pays, sans oublier de mentionner la beauté de notre pays. « On a un très beau pays, mais les Tunisiens n’en prennent pas soin », regrette-t-il.

A ce titre, et à l’instar d’autres TRE, il a pointé la pollution dans les villes, l’absence de bennes à ordures et de toilettes publiques propres. Il ajoute qu’un sourire ne coûte rien, mais il semble bien que les agents administratifs, les serveurs dans les hôtels et les restaurants n’ont pas encore pris l’habitude de sourire pour accueillir le client comme il se doit.

Ce sont là les quelques réactions rapportées par les ambassadeurs tunisiens à l’étranger. Ces derniers sont unanimes à souligner qu’il y a un léger mieux au niveau de l’accueil. Mais il faudra déployer davantage d’efforts pour réanimer l’administration et la faire sortir  de sa léthargie. Il ne faut pas se contenter d’annoncer  des mesures qui ne sont pas toujours  suivies d’application  ou qui finissent par être jetées aux oubliettes.



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