Tour de France 2024 : « Par sa mort, Marco Pantani a accédé au rang de saint et le Tour lui accorde cette année une sorte de pèlerinage »

Accueil » Le Monde » Tour de France 2024 : « Par sa mort, Marco Pantani a accédé au rang de saint et le Tour lui accorde cette année une sorte de pèlerinage »
Partager

Après un long silence, Marco Pantani reçoit les honneurs du Tour de France. Le vainqueur de l’édition 1998, par la suite soupçonné de dopage et déchu, est mort il y a vingt ans. Pour son premier grand départ d’Italie, le Tour s’arrête samedi 29 juin dans la ville où il est décédé, Rimini, et repart dimanche de Cesenatico, celle où il est né. Pour évoquer cette « figure tragique » du cyclisme, Le Monde a réuni deux philosophes épris de ce sport, Raphaël Verchère, auteur de Sport et mérite, histoire d’un mythe (Les Editions du volcan, 2022) et Olivier Haralambon, qui publie son prochain ouvrage, Un corps d’homme, en septembre chez Premier Parallèle.

Marco Pantani est passé du statut de héros après sa victoire sur le Tour de France 1998 à celui de paria l’année suivante. Il retrouve aujourd’hui une place dans le récit officiel du Tour. Comment expliquez-vous ce cheminement ?

Raphaël Verchère : Peut-être parce que, comme dans Le Crime de l’Orient Express, les responsables de sa mort sont multiples… Je me souviens du jour où nous l’avons appris. Une mort brutale, glauque et solitaire, dans un hôtel presque misérable, un jour de Saint-Valentin. Qui a tué Pantani ? Je ne me réfère pas à l’enquête policière, qui a conclu à une surdose de cocaïne, ou aux théories selon lesquelles il aurait pu être assassiné. Je m’interroge sur la responsabilité diffuse, et donc notre sentiment de culpabilité, qui peut expliquer le culte qui lui est aujourd’hui rendu. À Madonna di Campiglio, Marco Pantani fut un bouc émissaire, au sens où l’entend René Girard [auteur de Bouc émissaire, Grasset, 1982] : une figure de rejet qui permet de se laver les mains comme Pilate. Or, pour Girard, il existe des processus anthropologiques d’inversion, dans lesquels le bouc émissaire, la personne sur laquelle ont été initialement rejetées les fautes, devient un objet de culte ou d’adoration. L’un des exemples les plus saisissants étant la figure du Christ. Pour un peu, Pantani serait un saint et le « pantanisme » un culte, à l’image du « maradonisme » !

Olivier Haralambon : Pantani a l’essence d’un saint, selon l’usage qu’en fait l’église romaine : des personnes localement reconnues, que l’église béatifie pour asseoir son pouvoir. Les récits de la vie des saints ne nous dépeignent pas les saints immaculés de leur vivant mais, au contraire, fourmillant de lentes et perclus de plaies purulentes. Ce n’est qu’à leur mort que leur corps se transforme dans des effluves de parfums – on parle alors de « l’odeur de sainteté » ! Par sa mort, Marco Pantani a accédé au rang de saint et le Tour de France lui accorde cette année une sorte de pèlerinage.

Il vous reste 65.9% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

#Tour #France #Par #mort #Marco #Pantani #accédé #rang #saint #Tour #lui #accorde #cette #année #une #sorte #pèlerinage

Source link

Home

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut