Mark Cavendish est un personnage de série. Celle historique de trente-cinq victoires d’étapes dans le Tour de France, que le sprinter britannique compose entre le 9 juillet 2008, à Châteauroux, dans l’Indre, et ce mercredi 3 juillet 2024, à Saint-Vulbas, dans l’Ain. Son sacre est un blasphème puisqu’il bat ainsi d’une longueur le record d’Eddy Merckx, le dieu des dieux du cyclisme.
Même si les exploits ne souffrent pas la comparaison, Mark Cavendish ayant forgé les siens uniquement sur 200 ou 300 mètres, la légende du Tour a effacé le plus sacré des noms pour buriner le sien. L’outrage du Britannique est d’autant plus grand que personne, sauf quelques amis, le croyait encore capable d’ajuster les plus grands sprinters sur la plus grande épreuve.
A 39 ans, il a l’âge de ses artères. Une pointe de vitesse émoussée, à faire s’évanouir la confrérie des rémouleurs. Une aversion pour la moindre côte, lui qui fut ainsi le premier décroché, samedi, dans les Apennins, lors de la première étape italienne de ce Tour 2024. C’était impossible de gagner, il l’a fait, et sa trente-cinquième victoire sera utilisée comme un rebondissement magistral pour son biopic en cours de tournage.
Car Mark Cavendish est aussi un personnage de série. Celle fabriquée par Netflix autour de lui, dont l’épisode solo diffusé en 2023 appelle de nouveaux épisodes. Le récit de sa vie est titré Never Enough (« Jamais assez ») en VO, Ne jamais baisser les bras en VF. Ce roman vidéo alterne la gloire et la dépression, les bas et les hauts, des moments crus et poignants, sincères quoique dans l’exhibition et l’absolution d’autres faces troubles d’un vieux coureur, complexe forcément.
Netflix lui fournit son dernier carburant
Depuis deux ans, Netflix pousse le sprinter, champion du monde en 2011, comme le vent dans le dos, vers cette quête apparemment injouable du Tour de France. L’aventure est pathétique et sublime, bouffonne et chevaleresque. Baptisée « Project 35 » par son entourage et des experts en marketing. L’an passé, déjà, Cavendish échoue d’un souffle dans le sprint de Bordeaux. Lorsque, quelques jours plus tard, il s’effondre sur la route et se brise une clavicule, promettant qu’il ne reviendra plus, comment pouvait-on le croire ? Une nouvelle saison restait à écrire, car ce n’est « jamais assez » pour nourrir le spectacle.
Netflix, qui n’a pu que peser dans son changement de décision, virevolte cet été autour de son héros. Sans que l’on sache si son triomphe sera versé dans la saison 3 de la série Unchained, dévolue au Tour de France ; ou si, une nouvelle fois, ce caractère d’écorché vif sera traité à part.
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