Stéphanie Roza, fidèle aux Lumières

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Savante ou politique ? Sans doute la philosophe Stéphanie Roza est-elle les deux à la fois, mais pas toujours en même temps. Viscéralement de gauche, cette spécialiste des idées sociales et politiques, chargée de recherche au CNRS, se veut non moins fidèle à une déontologie de rigueur scientifique, comme le confirme son nouvel ouvrage, Le marxisme est un humanisme, consacré aux apports du marxiste hétérodoxe Georg Lukacs (1885-1971) et de Jean-Paul Sartre (1905-1980).

Or, déplore-t-elle, nous traversons une « période de grande confusion », tant est diffuse l’idée que tout savoir est militant. Sans rêver d’une « neutralité pure et parfaite », elle considère que cette inéliminable subjectivité devrait rendre les chercheurs encore plus vigilants dans leur quête de vérité. Inversement, la recherche peut nous rendre « plus exigeants vis-à-vis de nos convictions politiques ».

Peut-être n’est-il donc pas fortuit que Stéphanie Roza nous ait fixé rendez-vous à Paris dans le café La Méthode, située dans la rue qui porte le nom de Descartes, héros philosophique d’une certaine gauche rationaliste et universaliste. Car c’est bien de là qu’elle vient : issue d’une famille juive polonaise marquée par le traumatisme de la Shoah et inquiète de « ce qui pouvait toujours finir par nous tomber dessus », la philosophe se définit aussi comme appartenant à la génération du bicentenaire de la Révolution française.

Petite fille, elle communie avec les héros de la Révolution, et découvre ce qu’elle appelle désormais « la culture des droits de l’homme », c’est-à-dire « la première culture de l’histoire humaine qui permette aux membres des minorités d’appartenir pleinement à la communauté nationale sur la base de droits et de devoirs partagés, sans être obligés pour autant de renoncer à toute spécificité spirituelle ou philosophique ».

Jeune adulte, elle poursuit ses lectures, en particulier philosophiques, tout en militant une quinzaine d’années dans un parti trotskiste, Lutte ouvrière. Ce moment est « très formateur », lui permettant la fréquentation des classiques du marxisme et la rencontre des milieux populaires. Mais il est non moins « déformateur » : le stalinisme paradoxal de cette organisation sectaire la déçoit.

Barnave ou Babeuf

La rupture devient inéluctable : son choix de la philosophie correspond à un désir d’autonomie et de réflexivité ­critique, qui accompagne sa fidélité aux Lumières. Bientôt, son intérêt se porte sur les « utopistes » et présocialistes du XVIIIe siècle : « J’ai voulu montrer comment leurs idées égalitaires, loin de se réduire à des rêveries littéraires, se sont converties, avec la Révolution, en programme politique. » Depuis sa thèse, son travail atypique privilégie des auteurs ne relevant pas du « canon » des grands philosophes, mais qui sont plutôt des penseurs engagés, ou des acteurs politiques soucieux d’élucider et de divulguer leur action – tels le révolutionnaire Antoine Barnave (1761-1793) ou le pionnier du communisme Gracchus Babeuf (1760-1797).

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