Sou Fujimoto: un architecte effervescent pour Ruinart

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Il signe, à Reims, un pavillon aérien et poétique. Une construction phare, destinée aux visiteurs désireux de découvrir la maison de champagne et ses cuvées de prestige.

Au cœur de Reims, sur la butte Saint-Nicaise, entre les ailes en U de son bâtiment historique abritant aujourd’hui encore des ateliers de tirage, la maison de champagne Ruinart inaugure un nouveau pavillon de réception immaculé, lumineux et aérien de 1 400 mètres carrés.

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Sa façade en verre est sérigraphiée d’une effervescence de bulles, motif pétillant qui, outre sa fantaisie décorative, permet de filtrer les rayons solaires. Son toit incurvé s’inspire, lui, des courbes de la célèbre bouteille de spiritueux. «Le choix de formes légèrement dissymétriques découle sans nul doute de ma culture architecturale japonaise, avance Sou Fujimoto à qui l’on doit cette construction. Au Japon, les maisons traditionnelles ne sont jamais développées dans une logique de régularité. Prévalent plutôt des effets de surprises, des décrochages visuels qui insufflent leur dynamique aux bâtiments.» Sorte de cube minimal érigé en pierre de Noyant, une roche calcaire crème, incrustée de coquillages, provenant d’une carrière de la région, le pavillon Nicolas Ruinart – baptisé au nom du fondateur de la plus ancienne maison de champagne – rend hommage aux crayères de Reims. Sa modernité tranche avec les bâtiments existants du XIXe siècle à l’esprit écuries de cavalerie.

«L’idée de faire dialoguer architecture contemporaine et construction historique me semble une spécificité typiquement française, explique Sou Fujimoto. C’est quelque chose que l’on se permet moins aisément au Japon. Mais pour être franc, œuvrer au Japon, en France ou ailleurs n’est pas vraiment un sujet ; chaque projet dépend des besoins des clients, d’un contexte historique, du climat et des modes de vie locaux, ce qui requiert des réponses adaptées, et donc à chaque fois différentes.»

Les lignes incurvées de la toiture du pavillon évoquent les courbes de la bouteille de champagne.
Chloe Le Reste

Né à Hokkaido en 1971 et diplômé en 1994 de la faculté d’ingénierie de Tokyo, Sou Fujimoto fonde en 2000 son agence japonaise qu’il double en 2015 d’une antenne parisienne lui permettant de répondre à l’engouement grandissant pour son travail. Il est en effet l’auteur de L’Arbre blanc, un ensemble de logements inspiré d’un arbre et hérissé de vastes terrasses en porte-à-faux, façon feuillage, inauguré à Montpellier en 2019. Cette folie architecturale de dix-sept étages, dressée face au fleuve le Lez, invite à une façon nouvelle de vivre, tout autant dedans que dehors. Sou Fujimoto livrait également en 2023 le bâtiment d’Enseignement mutualisé de l’École polytechnique de Saclay.

Un pôle d’enseignements paysagé, comme un arbre habité, déployant de multiples passerelles, des salles flexibles et atriums qui permettent des interactions et de nouvelles approches de l’apprentissage. «Traditionnellement, dans les universités, les professeurs sont perchés sur des estrades face à des élèves placés, eux, dans des amphithéâtres. Cela ne répond plus aux modes de communication actuels où les rapports humains sont plus fluides, moins hiérarchisés et plus déstructurés. On ne se forme plus de la même façon, on retient des informations glanées ici et là, venant d’une multitude d’interlocuteurs, et cela dans la vie même, pas uniquement sur Internet. Il fallait donc penser un bâtiment privilégiant d’autres types d’interférences à travers des espaces plus déconstruits.»


Chloe Le Reste

Sou Fujimoto est réputé pour ses bâtiments aériens, immaculés, lumineux, jouant sur les pleins et les vides. Des projets, où l’on retrouve, tel un fil rouge, son obsession pour la nature. «J’ai grandi sur l’île d’Hokkaido avant de partir vivre à Tokyo à l’âge de 14 ans. De par leur échelle, leur densité et leur caractère anarchique, les ruelles de la capitale bordées de maisonnettes en bois m’évoquaient une petite forêt. Je fais d’ailleurs souvent un rapprochement entre ville et forêt!» À Paris, ce qui aurait dû être son projet phare, une forêt habitée enjambant le périphérique porte Maillot, composée de 127 logements, 27 589 mètres carrés de bureaux, un hôtel, une gare routière, et plantée de 1 000 arbres, ne sortira jamais de terre. Lancé en 2016 dans le cadre de «Réinventer Paris», le programme a été stoppé par le tribunal administratif. Trop polluant, car placé au-dessus du périphérique.

L’Arbre blanc, immeuble d’habitations hérissé de terrasses comme du feuillage, à Montpellier.
Cyrille Weiner

Si, à ses débuts, le bâtisseur œuvre en priorité sur de petits espaces au Japon, il se fait remarquer en remportant trois années de suite le prix Architectural Review Awards, décerné aux personnalités émergentes dans le monde de l’architecture.

Le pavillon immaculé de la Serpentine à Londres en 2013.
Iwan Baan

En 2013, il signe le pavillon de la Serpentine Gallery à Londres, au cœur du parc de Kensington. Cette installation éphémère, ouverte sur le paysage, composée d’une armature géométrique en acier, tout en transparence et légèreté, le révèle au monde. S’ensuivent moult projets internationaux. La Maison de la musique de Hongrie, à Budapest, nichée parmi les arbres d’un parc, au toit flottant ondulé et percé d’excavations, invite enfants et adultes à des expériences mélodiques. Sa façade recouverte d’un rideau de verre rend le bâtiment translucide, brouillant les frontières entre espaces intérieur et extérieur – une constante dans son travail.

Final Wooden House, en poutres de bois, à Kumamoto.
Iwan Baan

Il faudra attendre 2025 pour découvrir la très spectaculaire structure de 60 000 mètres carrés, d’une circonférence de 2 kilomètres, encerclant le site de la prochaine exposition universelle dans la baie d’Osaka. Libre interprétation des constructions traditionnelles japonaises, cet anneau en bois qui accueillera des galeries et un toit promenade constituera la principale voie de circulation du site.

«Toujours, je cherche à créer des lieux de vie permettant une multitude d’actions, de fonctions et d’usages. Leur forme architecturale est souvent assez simple au premier abord, mais elle tend à se complexifier dans leur organisation, avec des imbrications d’espaces répondant à différents usages.»Ainsi, le hall d’entrée du pavillon Nicolas Ruinart joue sur un contraste entre une zone sombre et étroite – à la façon des couloirs reliant les crayères – et un espace baigné de lumière, vaste plateau s’ouvrant sur le panorama d’un parc paysagé, un bar à champagne, une boutique et une terrasse. Une architecture riche de surprises.

Le 4, rue des Crayères de la Maison Ruinart, à Reims, ouvert 7 jours sur 7 à partir du 5 octobre. Entrée libre pour le jardin de sculptures et le pavillon Nicolas Ruinart, de 11 heures à 23 heures. Visites des crayères sur réservation. Ruinart.com



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