« Simple comme Sylvain », sur MyCanal : l’amour entre philosophie et maçonnerie

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MYCANAL – À LA DEMANDE – FILM

L’actrice et réalisatrice québécoise Monia Chokri délivre, à mesure des films qu’elle réalise, une forme d’autobiographie de la pensée autour d’un unique sujet dont elle reconnaît aisément qu’il l’obsède : l’amour. Thème inépuisable qu’elle appréhende à travers le couple, le rapport homme-femme, le désir, la sexualité, l’émancipation. Sur tout cela, et plus encore, son regard évolue en fonction de l’âge, de ses expériences personnelles et de ses lectures. En témoigne le ton de ses longs-métrages, qui mue au fil du temps. Cacophonique, revendicateur et grinçant, parfois jusqu’à l’excès, dans La Femme de mon frère (2019), puis dans Babysitter (2022). Plus apaisé, plus tendre dans Simple comme Sylvain, son troisième film.

La réalisatrice quadragénaire semble en effet s’autoriser le lâcher-prise, abandonnant une certaine forme de cynisme au profit d’un contour sentimental assumé, voire surligné, le temps de séquences qui flirtent avec les clichés, sans jamais y céder. Car elles sont interrompues à temps, par des traits d’humour et ce que l’on appelle communément le principe de réalité. Simple comme Sylvain ne cesse de naviguer entre ces deux eaux, de tenter la conciliation entre des mondes opposés, de jouer les compromissions pour tenir le cap.

Passion inattendue

L’édifice est fragile, tanguant, incertain, comme le suggèrent les mouvements de caméra, l’utilisation intempestive du zoom, le montage rapide et vif. A ces sables mouvants les personnages résistent, fixant des points de repère que la réalisatrice se plaît à observer, les filmant de loin, dans leur environnement, puis s’approchant au plus près.

Les premiers instants du film nous plongent dans un air connu du cinéma de Monia Chokri. Dans le brouhaha d’un dîner entre amis, tous quadragénaires instruits, réunis dans un appartement où des gamins se chamaillent, les conversations se chevauchent, les plaisanteries et quelques reproches fusent sous les effets de l’alcool. On craint le déjà-vu. L’instant qui suit nous détrompe, où l’on retrouve deux des convives de la soirée, Sophia (formidable Magalie Lépine-Blondeau) et son compagnon, Xavier (Francis-William Rhéaume), dans leur voiture, rentrant chez eux. Moment de calme après le vacarme, avant qu’une tempête ne survienne.

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Simple comme Sylvain progresse de cette manière disruptive, en orchestrant une série de cassures, en sommeil ou explosives, chacune révélatrice d’insatisfactions et de malaises souterrains. Sophia, contrainte de se rendre seule à la campagne, afin de s’informer des rénovations que nécessite leur chalet nouvellement acquis, fait la rencontre de Sylvain (Pierre-Yves Cardinal), l’entrepreneur local chargé du chantier.

Tandis que celui-ci énumère la liste des travaux, Sophia fond subitement en larmes. « Ça fait beaucoup », dit-elle, évoquant l’étendue des dépenses à venir. Alors que l’on entend son désarroi, une fatigue, un ras-le-bol plus général, Sylvain, ému, lui propose de prendre un verre dans un bar. L’étreinte à laquelle ils cèdent, de retour au chalet, apparaît comme une évidence. Ce qui aurait dû n’être qu’une aventure d’un soir se prolongera en une passion, inattendue tant elle unit deux êtres dissemblables.

Réenchantement du quotidien et du désir

A commencer par leur milieu social. Elle, professeure de philosophie dans une université d’étudiants du troisième âge. Lui issu de la classe populaire, manuel, concret et pragmatique, citant Michel Sardou comme un poète. Elle, enseignant Platon, Schopenhauer, Spinoza, bell hooks… dont les textes sur l’amour servent de fil conducteur et construisent une pensée que l’histoire représente de la manière la plus terre à terre qui soit.

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La romance qui illumine le film tient en effet aux joies simples qu’elle ravive comme s’il était question d’une première fois. Ce réenchantement du quotidien et du désir trouve écho dans l’environnement qui l’accueille, les étendues de la campagne hivernale que le chef opérateur, André Turpin, réchauffe par le doux éclairage d’un feu de cheminée et le scintillement du soleil sur la neige. Au contact de Sylvain, Sophia redécouvre le bonheur des plaisirs ordinaires. Pour le dire, Monia Chokri a recours aux codes de la comédie romantique dont elle tordra cependant légèrement le cou par le retour insidieux du réel. Lequel ne cessera de se manifester, illustrant cette part intangible de nous-même qui, fondamentalement, nous définit et, souvent, nous empêche.

Simple comme Sylvain, film de Monia Chokri (Fr.-Can., 2023, 110 min). Avec Magalie Lépine-Blondeau, Pierre-Yves Cardinal, Francis-William Rhéaume. Disponible à la demande sur MyCanal.

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