Sélection galerie : Roger-Edgar Gillet chez Nathalie Obadia

Deuxième épisode de la résurrection de Roger-Edgar Gillet (1924-2004), après une première présentation en 2021. Sa notoriété, grande dans les années 1960, a fléchi par la suite. Sa faute ? Avoir été abstrait, comme la plupart des peintres français de sa génération, et s’être convaincu ensuite qu’il était plus intéressant de regarder et de donner à voir le monde. L’exposition, qui montre trente ans de travail, de 1966 à 1997, lui donne raison. Avec des gestes courts et nets inscrits dans une matière picturale dense, dans un chromatisme sévère d’ocres et des bruns, Gillet fait surgir figures seules et scènes de groupe. Les premières sont satiriques et politiques : bigotes – le mot est de l’artiste – éperdues de religion et juge grisé de pouvoir. Les secondes sont parmi ce qui s’est peint de plus cruel et de plus juste dans l’époque. Gillet réduit les touristes du Club Méditerranée à Marrakech à la domination qu’ils jouissent d’exercer sur la population marocaine. Les concerts de grands orchestres virent à l’hystérie collective, sincère ou non. Les nus féminins, qui pourraient être érotiques, tombent dans le grotesque et un exhibitionnisme que l’on soupçonne strictement commercial. La société contemporaine passe ainsi dans une machine à broyer qui ne laisse rien intact. On aimerait voir ces toiles en compagnie de celles de Bacon et de Rebeyrolle. Si leurs manières n’ont rien en commun, leurs auteurs partagent le même dégoût de leurs semblables.