« Saules aveugles, femme endormie », sur Ciné+ Festival : six nouvelles de Haruki Murakami s’animent

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CINÉ+ FESTIVAL – MARDI 6 AOÛT À 18 H 50 – FILM

L’animation occidentale ne cesse, depuis quelque temps, de porter ses regards vers le Japon, instaurant de fait un fertile dialogue entre écoles graphiques. Après Le Sommet des dieux (2021), de Patrick Imbert, qui portait à l’écran un manga de Jiro Taniguchi, le premier long-métrage de Pierre Földes, artiste pluridisciplinaire, entretisse, quant à lui, une fine sélection de six nouvelles de Haruki Murakami, la matière labile de l’animation enserrant au plus près le surréalisme flottant du célèbre écrivain de Kyoto, dans un registre plus résolument adulte.

Lire l’entretien avec Haruki Murakami (en 2019) : Article réservé à nos abonnés « Il y a des émotions communes entre l’auteur et le lecteur »

Au lendemain de l’accident de Fukushima, en ces jours de sidération de mars 2011, à Tokyo, un couple se délite. Komura, employé de banque, assiste impuissant au départ de sa femme, Kyoko, après qu’elle s’est recroquevillée des jours durant devant l’écran de télévision et les images du sinistre retransmises. A la faveur d’un congé, l’homme se rend dans la région de Hokkaido, dans le nord de l’Archipel, pour remettre en main propre une mystérieuse boîte qu’un collègue lui a confiée.

Pendant ce temps, son collègue Katarigi, subalterne brimé, chargé d’un dossier de recouvrement périlleux, fait, le soir venu, dans ses appartements, la rencontre d’une créature fantastique, une grenouille à taille humaine nommée « Frog ». Afin, dit-elle, de prévenir un prochain tremblement de terre, celle-ci l’exhorte à lutter contre un ver géant logé dans les entrailles de la ville.

Un récit tout en allers et retours

Les errances de ces trois personnages s’entremêlent par articulations lâches. A travers ce récit tout en allers et retours, digressions et fantasmes, progressant par stases et bouffées, le film retient par son mélange de réalisme spleenétique et d’ornementations oniriques. Réalisme dans l’animation des personnages, fondée sur des prises de vues réelles, sans que Földes cherche à les occidentaliser. Leur environnement, en revanche, est teinté d’expressionnisme : une réalité habitée de lignes spectrales, d’ombres glissantes, de lueurs surnaturelles.

La présence alternative d’animaux totémiques – chat bleu évadé, grenouille humanoïde, poisson voguant dans les airs – appose sur les brumes d’un quotidien évanescent la marque du fantasme. Ce tableau des contrecoups intimes de la catastrophe se dévoile en demi-teintes, en tons cassés, tout en dièses, bémols et suspensions.

Pierre Földes, fils d’un haut nom hongrois de l’animation, Peter Foldes (1924-1977), considéré comme un pionnier de l’animation sur ordinateur, mise sur des ressources non spectaculaires du genre : une toile de sensations fluctuantes et nébuleuses vouées à faire ressentir un gouffre, un manque intérieur, une absence à soi-même. C’est dans ce pari des interstices que le film trouve sa plus ondoyante beauté, à décoction lente.

Saules aveugles, femme endormie, film d’animation de Pierre Földes (Fr.-Lux.-Can.-NL, 2023, 109 min).

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