Sally Rooney : « Mes romans s’inscrivent dans la tradition du réalisme, et je vois mes personnages comme des personnes »

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On la décrit comme la Jane Austen de sa génération, celle dite « des milléniaux ». A 33 ans, avec seulement trois romans, Conversations entre amis, Normal People (L’Olivier, 2019 et 2020, tous deux adaptés en série) et Où es-tu, monde admirable ? (L’Olivier, 2022), l’Irlandaise Sally Rooney est devenue une extraordinaire star de l’édition, traduite dans près de quarante langues. Pour la sortie mondiale de son quatrième roman, Intermezzo, l’écrivaine donne au « Monde des livres » l’unique interview qu’elle a bien voulu accorder en France.

Comme vos précédents romans, « Intermezzo » est extrêmement attendu. Dans quel état vous sentez-vous avant la publication d’un nouveau livre, alors que la pression est si forte ?

La période qui précède la publication d’un livre n’a rien d’une expérience plaisante pour moi. C’est une source de stress que j’affronte avec peine. Je ne pense pas être parvenue à m’y habituer, en revanche j’ai fini par comprendre et par accepter que le moment de la parution d’un livre constitue une interruption majeure dans ma vie ordinaire, qu’il sera inévitablement difficile et stressant. A la publication de mes premiers livres, je ne comprenais pas pourquoi j’étais stressée à ce point, je me reprochais de ne pas mieux supporter la situation, ce genre de chose. Aujourd’hui, je me prépare tout simplement à cinq ou six mois désagréables avant que ma vie ne reprenne son cours normal. Comme je ne publie qu’un livre tous les deux ans, je considère qu’il s’agit d’un compromis acceptable, car, entre les deux, cela me laisse le temps de travailler. C’est en tout cas ce que je me dis.

« Intermezzo » raconte l’histoire de deux frères, Ivan et Peter, juste après les funérailles de leur père. Ivan, 22 ans, est un talentueux joueur d’échecs, tandis que Peter, 32 ans, est avocat, et ils semblent avoir peu de points communs. Bien que l’amour soit l’un de vos thèmes principaux, vous n’aviez jamais écrit sur l’amour et la haine dans le contexte de la fraternité (de surcroît en relation avec la perte du père). Qu’est-ce qui vous a attirée vers ce thème, et pourquoi ?

Ecrire sur ces personnages ne résulte pas d’une décision consciente. Je ne me suis pas installée à mon bureau avec l’intention d’« aborder un thème » ni d’« explorer le sujet de la fraternité », ou quoi que ce soit. Un jour, il y a plusieurs années, j’ai imaginé l’histoire d’un joueur d’échecs qui se rend dans un petit centre artistique de campagne pour une simultanée [séance où le joueur dispute plusieurs parties à la fois]. Je me suis mise à écrire dessus et, à mesure que j’appréhendais de mieux en mieux les personnages, je me suis rendu compte que le joueur d’échecs avait un frère aîné. J’ai commencé à écrire sur le frère et son entourage, et mon roman s’est développé à partir de là. A aucun moment, je n’ai pensé : « J’ai quelque chose à dire sur la fraternité. » Dans mes romans, je n’ai rien à dire en particulier sur rien. J’ai simplement envie d’animer mes personnages pour mon lectorat, de la même manière qu’ils ont pris vie pour moi.

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