Rencontre avec Elena Fucci, grande vigneronne dans une région méconnue, la Basilicate

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Prédestinée à devenir une chercheuse de renom, Elena Fucci s’est finalement orientée vers viticulture. Le choix de la passion, à raison.

Tout son village comptait sur elle. La brillante élève obtenait des résultats scolaires exceptionnels. Elle excellait en sciences. Elle allait devenir une chercheuse en ingénierie génétique – c’était le souhait de sa mère professeur de mathématiques –, la gloire de sa région. Elena Fucci est partie à l’université, à Florence, dans la lointaine Toscane, mais elle a fini par étudier l’agronomie et puis l’œnologie, à Pise. Au désespoir de ceux qui suivaient son cursus comme on suit les étapes du Giro. Pire encore : ses études terminées, elle est revenue au pays, au pied du mont Vultur. Une folie.

« Si je n’étais pas rentrée au village, il aurait fallu vendre le domaine. Il en était hors de question. » Et la vigneronne de raconter l’histoire de cet arrière-grand-père vigneron, et de son fils, lui aussi vigneron, qui dut immigrer en Uruguay, à Montevideo, pour gagner sa vie. À son retour, il acquit le domaine sur lequel lui et son père avaient sué sang et eau « comme des esclaves » des années plus tôt. Son fils, le père d’Elena et de ses deux sœurs cadettes, put aller au lycée et devint professeur de physique. Et Elena Fucci fit la vigneronne. « Au début, en dehors de ma famille, personne n’a compris ce choix. Mes anciens copains d’école se moquaient de moi et de mon entreprise qui se résumait à quatre barriques. »

En plus, Elena Fucci s’est appliquée à ne pas produire des vins tels qu’on les attend ici. « La Basilicate et son cépage phare, l’aglianico, ont toujours été associés à des jus puissants, fort structurés. Moi, je ne tiens pas à faire cela. De la même façon, je ne souhaite pas être liée à la mode actuelle des vins volcanique, la tarte à la crème de l’œnologie italienne. » On marche dans ses pas sur ses 7,5 ha de vignes, un palimpseste de couches de laves et d’argile, arpentant des petits chemins qui embaument le fenouil, la menthe, l’origan, le romarin.

Moderne sans être moderniste

La gamme de la Lucanienne (habitante de la Basilicate) se décline en trois couleurs et principalement autour d’un même cépage, l’aglianico, auquel la DOC locale doit son nom, aglianico del Vulture, en référence au volcan qui domine le paysage et sur les flancs duquel évolue la vigne, à plus de 400 mètres d’altitude. Une région dure, sous la neige l’hiver et où l’été dure un mois.

Fucci a baptisé sa gamme Titolo, du nom du quartier de son village, un des coins les plus reculés d’Italie, ou l’on parle l’albresque – un dialecte gréco-albanais antique –, et où l’on vit vieux. Son Titolo rosé, au nez d’orange sanguine et de pamplemousse, a gagné le prix des 10 meilleurs rosés d’Italie. Le plus représentatif de sa production est sans doute le classico 2021. « Il a l’acidité liée à l’altitude des cultures, la minéralité liée aux sols volcaniques », dit-elle. Son nez de poivre se conjugue avec une bouche croquante. On apprécie tout autant le Titolo « Amphora », élevé en amphore, un jus sombre, tout aussi frais mais porteur d’une plus grande douceur. Il faut aussi déguster le Riserva 2019, un grand vin, structuré, qui sait préserver son fruit.

Quand on lui demande quels sont les secrets de ses vins, si différents des jus basiques de la région, elle parle d’une « démarche moderne sans être moderniste », avant de préciser que « la qualité ne vient pas du ciel. Il faut étudier. J’écoute mes collègues qui parlent de l’influence de la lune mais moi je crois à la science. »

Un projet social

Dans un monde rural où les femmes suivent encore leur mari, elle a su attirer le sien, un Toscan, dans sa région. L’ex-ingénieur participe au développement de l’activité familiale en développant un vin de négoce. «Andrea, mon époux, a réuni plusieurs vignerons locaux autour d’un projet commun qui consiste à produire des vins locaux de qualité dans le strict respect de l’environnement. Il leur achète le raisin à bon prix à condition qu’il soit irréprochable. » Résultat : trois vins en trois couleurs dans un esprit très contemporain réunis sous une même marque : Verho. « Il s’agit d’un projet social destiné à valoriser le territoire », souligne-t-elle. On trouve désormais les vins d’Elena Fucci sur les meilleures tables italiennes, françaises et d’ailleurs.

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