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Raphaël Geminiani, dans la roue des légendes du cyclisme

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A 99 ans – il les a fêtés le 12 juin –, Raphaël Geminiani, personnage shakespearien, replié dans son âge, règne en maître sur son passé. Un théâtre d’ombres et d’intrigues où les fantômes de Fausto Coppi, de Louison Bobet et de Jacques Anquetil, anciens compagnons de route et partenaires de vie, s’amusent sous sa gouverne à rejouer les mêmes scènes, les mêmes répliques qu’il aiguise de sa verve, selon sa fantaisie, l’humeur du moment et la qualité de son auditoire. Fort de cette insolente santé que lui enviait Bobet – « Souvent, il me disait “Si je pouvais te l’acheter, j’en paierais le prix” ».

Avec le temps, bien sûr, sa silhouette s’est épaissie, rapetissée, et sa démarche se fait plus lourde, mais son verbe est toujours aussi fringant et son regard aussi vif et intense, en dépit d’une vue limitée qui l’empêche de lire. Depuis quelques mois, il occupe un appartement en rez-de-jardin dans une maison de repos à Pérignat-sur-Allier, une commune du Puy-de-Dôme. Il y a trouvé refuge après le décès de sa femme et mère de ses deux enfants, Anne-Marie, en 2016. Il y vit au milieu de ses meubles avec, aux murs, quelques photos rappelant ses affections.

Orson Welles (au centre), posant au départ du Tour de France 1950, avec l'équipe de France. De g. à dr. : Emile Baffert, Paul Giguet, Louis Deprez, Louison Bobet, Robert Desbats, Raphaël Géminiani, Nello Lauredi, Apo Lazaridès, Jean Marinelli et Pierre Molineris.

Sur l’une d’elles, il pose, complice, à côté d’Orson Welles, en visite sur le Tour de France. C’était en 1950, place du Palais-Royal, à Paris, dans les élans, les sourires de la paix retrouvée. « Gem » comme on l’appelait alors, porte le maillot de l’équipe de France cycliste, dont il fut une figure marquante entre 1947 et 1959, dans l’ombre de Louison Bobet. Le temps de gagner sept étapes, d’entrevoir la victoire en 1958 et d’imposer sa marque, son personnage auprès des médias dont il avait compris intuitivement l’impact, la force, bien avant tout le monde. Au-delà des lignes d’arrivée – quand la télé n’existait pas –, c’est vers lui que les journalistes se pressaient en quête d’un bon mot, d’une analyse, d’une formule éclairante. Et rien n’a changé. « Plus je vieillis, dit-il, plus je suis sollicité par des gens, des journalistes qui me disent leur admiration, leur intérêt pour ce que j’ai vécu. »

Raphaël Geminiani, lors de l’arrivée du Tour de France, le 19 juillet 1958. Raphaël Geminiani, lors de l’arrivée du Tour de France, le 19 juillet 1958.

« Ça, c’est Gino »

Ainsi, ce reporter de la télévision italienne venu l’interroger sur le départ du Tour de France 2024 à Florence, dans le pays de ses origines, celui de Gino Bartali, dit « Gino le Pieux », grimpeur mutique, vainqueur du Tour deux fois à dix ans d’intervalle (1938-1948). « Gem » l’a côtoyé, combattu dans les pelotons, quand Bartali et Coppi s’appliquaient à réinstaller l’Italie, humiliée par la guerre, dans le camp des vainqueurs. Le Tour avait déjà ce pouvoir d’apaiser les rancœurs. « Comment en parler ? Bartali était un dieu vivant que j’ai vu bras dessus bras dessous avec le pape [Pie XII], a-t-il raconté au reporter de la RAI. Fallait voir, sur le Giro, c’était de la folie, les tifosi [les supporteurs italiens] embrassaient la route sur son passage, aux arrivées, il devait parfois les tartiner à coups de poing pour se frayer un passage et ceux qui les recevaient se prosternaient devant leurs amis, “T’as vu ? t’as vu ? Il m’a frappé, regarde, là, tu vois, cette rougeur… ça, c’est Gino…” »

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