Ce billet est extrait de la newsletter hebdomadaire « Darons Daronnes » sur la parentalité, envoyée tous les mercredis à 18 heures. Pour la recevoir, vous pouvez vous inscrire gratuitement ici.
Vous est-il déjà arrivé de tenir des positions éducatives rigides sans même savoir pourquoi ? L’autre jour, j’ai été prise en flagrant délit de raideur par un ami. On parlait bijoux, et j’ai dit que j’interdisais à mes enfants de se faire percer les oreilles avant leurs 10 ans. « Mais pourquoi ? », m’a-t-il rétorqué en me regardant d’un air perplexe, comme si je lui avais annoncé que, chez moi, on n’avait pas le droit de sauter à cloche-pied. J’ai bredouillé, bafouillé, et fini par avouer que je n’en avais aucune idée.
Ma fille aînée, 9 ans, a tellement entendu la règle des 10 ans qu’elle ne la remet plus en question. Quant à la cadette, 6 ans, elle me rappelle régulièrement que ses copines de l’école, elles, ont les oreilles percées depuis qu’elles sont bébés. (Le benjamin de 4 ans s’en fiche globalement, lui, ce qu’il veut, c’est sa tétine.) J’ai raconté à mon compagnon, le soir, que je m’étais couverte de ridicule en étant incapable d’expliquer notre décision. Là, il m’a coupée : « Pardon, si je peux me permettre, TA décision. Je t’ai toujours appuyée devant les enfants, pour maintenir la cohérence du bloc parental, mais je n’ai jamais compris pourquoi tu avais édicté cette règle ! » D’ailleurs, a-t-il continué, comment aurait-il pu tenir un tel discours, lui que ses parents ont emmené se faire percer l’oreille à… 5 ans ?
Comme toujours dans ces moments de légère bousculade psychique, je suis retournée fouiner dans mon enfance. Je me souviens du jour où ma mère m’a emmenée me faire percer les oreilles, vers mes 10 ans, comme d’un événement, un rite de passage. Peut-être ai-je voulu à mon tour en faire un moment spécial avec mes enfants. Mais je me souviens surtout, oh misère !, de ma propre incohérence, du jour où, à 14 ans, pendant un séjour linguistique en Ecosse, je suis entrée chez un tatoueur-pierceur et suis ressortie avec le rêve de ma vie : un piercing à l’arcade. La mère de ma famille d’accueil a failli s’évanouir : « Mais tes parents vont me faire un procès ! », m’a-t-elle lancé dans un écossais rugueux.
Mes parents ne lui ont pas fait de procès. Ma mère, qui, malgré toutes mes tentatives pour choquer, n’était jamais choquée, a trouvé ça pas mal. Mon père m’a dit, je me souviens encore de sa phrase : « Comment as-tu pu t’enlaidir comme ça ? Je ne te regarderai plus jamais dans les yeux ! » Ce n’était pas vrai, mais disons qu’au moins, j’avais réussi à faire réagir. Mon corps, c’est mon corps, disait ce piercing, j’en fais ce que je veux.
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