Puis-je franchir la porte de la chambre de mon ado ?

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Ce billet est extrait de la newsletter hebdomadaire « Darons Daronnes » sur la parentalité, envoyée tous les mercredis à 18 heures. Pour la recevoir, vous pouvez vous inscrire gratuitement ici.

Fin juin, au journal, nous avons accueilli une quantité astronomique de stagiaires de 2de (cent vingt-trois, pour être précise). Lorsque je me suis retrouvée, avec un micro, devant cette masse d’ados réunis dans l’auditorium pour présenter la rubrique Intimités du Monde, dont je suis responsable, j’ai eu une double illumination : 1) je ne peux pas les assommer avec un bla-bla soporifique ; 2) je n’aurai plus jamais accès à un tel vivier d’informateurs. Je leur ai donc tendu le micro, en leur demandant de me parler d’une chose simple : leur chambre, et la façon dont leurs parents y respectent (ou non) leur intimité.

Vous n’imaginez pas le nombre de mains qui se sont levées. Ils avaient tous des réflexions différentes à apporter, avec cependant un consensus global sur l’essentiel : la chambre, c’est un sanctuaire, et on a besoin d’y passer du temps seul. J’ai été très étonnée d’entendre à plusieurs reprises des jeunes gens me parler d’une gêne que je n’avais pas anticipée : le bruit. « J’ai besoin de temps de silence, sinon je peux être désagréable, après une journée avec du bruit non-stop », me dit l’une d’elles. Un autre renchérit : « Au quotidien, je suis gêné par le bruit des voitures, l’agitation du lycée. Quand je rentre, j’ai besoin de calme. » Moi qui croyais que c’était un truc de darons de se plaindre des nuisances sonores…

Cette remarque fait écho au travail de la sociologue Elsa Ramos qui, pour son livre Rester enfant, devenir adulte. La cohabitation des étudiants chez leurs parents, paru en 2002 (L’Harmattan), a mené une enquête auprès de cinquante jeunes adultes de 19 à 27 ans, particulièrement sur leur rapport à leur chambre. Il y est question aussi de bruit, comme quand Franck se plaint d’un engin infernal utilisé par sa mère : « C’est un nouveau truc, ce n’est pas un fer à repasser, c’est à vapeur et ça fait un bruit énorme. J’entendais la vapeur, psittttt… » Deux remarques au passage : 1) les centrales vapeur ne sont finalement pas si vieilles que ça (ou alors c’est moi qui le suis) ; 2) lire un essai sociologique de 2002 sur la vie familiale aujourd’hui, soit sept ans après #metoo, donne l’impression de plonger dans des archives préhistoriques, où la charge domestique est un impensé absolu et revient, sans l’ombre d’une remise en question, aux mères.

C’est d’ailleurs sans doute ce qui explique en partie l’attitude desdites mères envers l’intimité de leurs enfants dans le livre d’Elsa Ramos. Puisqu’elles sont celles qui rangent, qui passent l’aspirateur, qui ramassent le linge sale et qui font la poussière, puisque le foyer leur « appartient », alors pourquoi s’arrêteraient-elles sur le pas de la porte ? A l’unanimité des personnes interrogées, les mères respectent moins l’intimité de leurs enfants que les pères. L’une fouille dans les affaires de sa fille ; une autre s’installe carrément sur le lit. Tandis que les pères, eux, restent généralement immobiles sur le seuil, comme au tracé d’une frontière invisible.

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