Présidentielle au Venezuela : la CPI va être saisie d’une demande d’inculpation de Maduro pour «bain de sang»

Bataille juridique, troubles et manifestations, pression internationale… La réélection controversée de Nicolas Maduro a plongé le Venezuela dans l’incertitude. D’un côté, le pouvoir, sûr de sa force, répète sans cesse avoir gagné sans tricher alors que de l’autre, l’opposition crie à la fraude et assure avoir les preuves de sa victoire, soutenue par une grande partie de la communauté internationale. La cheffe de l’opposition Maria Corina Machado a appelé mercredi soir à la mobilisation. Le Figaro fait le point.

Le chef de l’OEA va demander à la CPI d’inculper Maduro pour le «bain de sang» au Venezuela

Le chef de l’Organisation des États américains (OEA) Luis Almagro a déclaré mercredi qu’il allait demander à la Cour pénale internationale (CPI) d’inculper le président Nicolas Maduro et d’émettre un mandat d’arrêt à son encontre pour le «bain de sang» au Venezuela, où ont lieu des manifestations meurtrières contre sa réélection. «Maduro a promis un bain de sang (…) et il le fait. C’est le moment pour la Cour pénale internationale de présenter des actes d’accusation et des mandats d’arrêt contre les principaux responsables, y compris Maduro», a écrit le secrétaire général de l’OEA sur le réseau social X.

Une élection contestée

Nicolas Maduro assure avoir gagné sans tricher avec 51,2% des suffrages. Hermétique à toutes les pressions internationales ou critiques, il brandit la Constitution, promettant qu’il la respectera à la lettre et a saisi le Tribunal suprême de justice (TSJ), plus haute instance du pays en la matière.

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Sa version des faits le place en victime: il a gagné l’élection, mais des gens mal intentionnés ont organisé une attaque informatique du Conseil national électoral (CNE) dans le but de l’empêcher d’être déclaré vainqueur, mais aussi de provoquer un chaos propice à un «coup d’État», selon ses dires.

«Heureusement, le CNE a pu sauvegarder les résultats et proclamer le vainqueur (Maduro). Maintenant, le président a saisi le TSJ pour faire reconnaître sa victoire par la justice, pouvoir indépendant», explique à l’AFP le ministre de l’Information Freddy Nanez. «Toutes les institutions de l’État sont aujourd’hui aux mains du pouvoir», souligne Luis Angarita, politologue.

Au moins 11 civils tués dans les manifestations

Outre la voie judiciaire, Maduro promet régulièrement une répression sans faille. Il a demandé aux forces de sécurité de patrouiller dans les quartiers alors que le ministre de la Défense Vladimir Padrino a promis d’agir avec «force pour préserver l’ordre intérieur». «Cette fois-ci il n’y a pas de pardon», a lancé Nicolas Maduro, menaçant les manifestants de peines de prison importantes et prônant de la prison pour Mme Machado et le candidat de l’opposition Edmundo Gonzalez Urrutia.

Le mouvement spontané de colère de la rue à l’annonce des résultats s’est soldé par au moins 11 civils tués selon des ONG, 16 selon l’opposition. Le parquet, qui se targue de près de 750 arrestations, promet des poursuites notamment pour «terrorisme». «Le signal (donné par le pouvoir) semble être: ’Nous pouvons nous maintenir par la force’», estime M. Angarita.

L’opposition crie à «la fraude»

L’opposition, qui avait écarté l’idée d’un boycott, avait tenté de prévenir une fraude en plaçant des scrutateurs («témoins») dans les 30.000 bureaux de vote pour que ceux-ci surveillent le processus mais surtout transmettent leurs bordereaux à l’opposition. Celle-ci dit avoir réuni 81,21% des bordereaux pour une victoire de Gonzalez Urrutia avec 67% des votes.

Eugenio Martinez, expert électoral, ne croit pas à la thèse du piratage mise en avant par le pouvoir, soulignant que le CNE avait justement mis en place un système de lignes téléphoniques indépendantes: les pirates auraient «eu à hacker 15.000 lignes de transmission cryptées». «La crédibilité de ce piratage est de 0%», estime un observateur avisé, estimant que le pouvoir a probablement sabordé le système pour pouvoir frauder.

L’opposition, qui n’a pas réussi à «entamer des négociations pour assurer une transition pacifique», a appelé mercredi soir à la mobilisation.

Soutien de la communauté internationale

Soutenue par les États-Unis, l’UE, mais aussi les voisins latino-américains de gauche comme le Brésil ou la Colombie, l’opposition demande donc un audit indépendant de l’élection avec inspections des bordereaux.

Nicolas Maduro semble toutefois sûr de son fait en interpellant un cadre de l’opposition: «Je veux te voir au tribunal avec tes prétendus bordereaux sortis de ton atelier». Et, il semble peu probable qu’il accepte des experts encore moins étrangers, soulignant qu’Américains ou Européens ne font pas réviser leurs élections par d’autres pays.

Quand on évoque un durcissement des sanctions ou des menaces de poursuites internationales, il souligne que le pays est habitué à «résister» et souligne que les États-Unis comme les pays d’Amérique latine souffrent de ne plus pouvoir s’approvisionner en pétrole au Venezuela. Les voix du brésilien Lula et du colombien Gustavo Petro peuvent peser dans la balance.

De quel côté est l’armée ?

Deux questions reviennent en permanence: l’opposition peut-elle mobiliser et renverser Maduro avec la pression de la rue? L’armée sera-t-elle fidèle ? Avec environ 7 millions de Vénézuéliens ayant quitté le pays, beaucoup estiment que l’opposition n’est plus en mesure de rassembler des foules, prêtes à affronter une répression qui a fait une centaine de morts en 2017 et qui reste dans toutes les mémoires.

Beaucoup espèrent que l’armée, pilier du pouvoir choyée par l’ancien président Hugo Chavez puis par Maduro, se fissure. Gonzalez Urrutia a appelé à maintes reprises l’armée à se ranger du côté «du peuple» mais la haute hiérarchie est pour le moment solidement derrière Maduro, souligne un diplomate occidental.