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« Pleurer au supermarché », de Michelle Zauner : le goût du kimchi maternel

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« Pleurer au supermarché » (Crying in H Mart), de Michelle Zauner, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Laura Bourgeois, éd. Christian Bourgois, 320 p., 22 €, numérique 17 €.

Certains vont se recueillir dans des églises. Michelle Zauner, elle, préfère les supermarchés de la chaîne H Mart. Installés dans les périphéries d’agglomérations américaines, ils donnent accès à une large variété de produits coréens, pour beaucoup introuvables ailleurs aux Etats-Unis. Dans ces magasins, tout rappelle à l’autrice sa mère, Chongmi, morte d’un cancer à l’âge de 56 ans, en 2014. La seule vue des sachets de raviolis congelés peut la faire fondre en larmes au souvenir de ceux qu’elle confectionnait.

Au fond, pour Michelle Zauner, les H Mart ont beaucoup à voir avec des lieux de culte. Rien n’était plus sacré pour Chongmi que de nourrir ses proches. Du reste, cette femme arrivée de Corée aux Etats-Unis après s’être mariée à un Américain et avoir donné naissance à leur fille unique ne fréquentait pas d’église et mettait un point d’honneur à ­résister au « conformisme religieux » : « Ma mère n’avait jamais été pratiquante alors que c’était le seul moyen de s’intégrer à une communauté coréenne déjà éparse dans une petite ville », se remémore Michelle Zauner avec admiration.

En guise d’exercice de piété ­filiale, celle-ci, chanteuse du groupe Japanese Breakfast, née en 1989, a écrit Pleurer au supermarché. Enorme succès éditorial de l’année 2021, ce premier livre est un récit de deuil et l’évocation d’une relation mère-fille complexe qui entrait tout juste dans une phase plus apaisée quand s’est déclarée la maladie de Chongmi.

S’échappent de ces pages, tantôt déchirantes de tristesse, tantôt illuminées par la tendresse frontale et l’humour autodépréciatif de l’autrice, des parfums corsés de bouillons et des mots désignant des mets (« kimchi-jjigae », « sam­gye­sopsal »…), dont les spécificités gustatives sont explicitées sans que l’autrice ne ­livre de glossaire – même peu familier de cette cuisine, le lecteur finit par comprendre seul que le mot « banchan » désigne des plats d’accompagnement. C’est un acte de revendication, une manière d’embrasser son héritage, que de parsemer son ouvrage de mots de coréen, alors qu’elle le parle peu et qu’elle n’a longtemps pas su quoi faire de la culture maternelle.

« Un langage non verbal »

De manière générale, la question du langage est au cœur de Pleurer au supermarché, qui se concentre autant sur la nourriture parce que celle-ci, écrit Michelle Zauner, « était un langage non verbal entre nous, notre lien, notre terrain d’entente ». Et qu’il s’agit de donner forme à cette attache qui se passait de mots. Tôt dans le récit, l’autrice note : « [Ma mère] m’a transmis un appétit ­typiquement coréen. Cela implique un respect envers la bonne nourriture et une prédisposition à manger pour compenser mes émotions. »

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