« Montaigne-La Boétie, une ténébreuse affaire », de Philippe Desan : Montaigne en assassin impuni

Partager


« Montaigne-La Boétie, une ténébreuse affaire », de Philippe Desan, éd. Odile Jacob, 384 p., 22,90 €, numérique 18 €.

« Parce que c’était lui ; parce que c’était moi… » Peut-être l’amitié entre Montaigne (1533-1592) et La Boétie (1530-1563) n’est-elle qu’une idée reçue, transmise au fil des siècles au ­détriment d’une vérité plus sombre. C’est l’hypothèse qu’explore le nouveau livre de Philippe Desan, un roman historique cette fois, une première pour le professeur à l’université de Chicago (Illinois), spécialiste de la Renaissance française et de l’auteur des Essais.

La référence balzacienne du ­titre, Montaigne-La Boétie, une ­ténébreuse affaire, ne laisse pas de doute : l’ouvrage emprunte aux codes du roman policier et met en scène un complot criminel, une enquête et l’ébauche d’une mise en accusation. Montaigne aurait assassiné son ami La Boétie, son rival en politique et le mari de sa maîtresse. Ce meurtre, resté impuni, aurait toutefois laissé des indices matériels et ­textuels qui auraient traversé les siècles, jusqu’à tomber entre les mains d’un universitaire américain et de sa brillante ­étudiante, qui ensemble mettent tout en œuvre pour faire éclater la vérité.

Cette fiction historique parvient habilement à conjuguer érudition et frisson. Lecteurs profanes ou connaisseurs des Essais y découvriront maintes anecdotes sur la vie de Montaigne et ses écrits, mais aussi concernant la conservation matérielle des œuvres. A n’en pas douter, le « seiziémiste » s’est servi pour son roman de ses propres recherches. Il brode son intrigue criminelle sur des faits historiques et y joint des éléments de théorie littéraire, laissant entrevoir dans certains passages du récit un état de la ­recherche – par exemple sur la question de la place des études de genre dans l’analyse des textes anciens, plus importante aux Etats-Unis qu’en France.

Rien, cependant, du ton d’un ­essai d’histoire littéraire. La narration se fait souvent ironique, jouant de la variation des discours direct et indirect, et creuse la psyché de ses personnages comme lors d’un véritable travail d’investigation ou de profiling. Dans une amusante mise en abyme, l’auteur semble d’ailleurs se mettre en scène à travers un double fictionnel, le personnage du professeur français enseignant en Amérique (Jacques Saint-Maur, pour un Philippe Desan né à Saint-Maur-des-Fossés, dans le Val-de-Marne). Adoptant son point de vue et celui de son étudiante, il brosse avec humour des caricatures de grands pontes de la Sorbonne, symboles d’un monde académique et universitaire français attaché plus que tout au prestige des figures canoniques de sa littérature.

Il vous reste 8.24% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.



#MontaigneLa #Boétie #une #ténébreuse #affaire #Philippe #Desan #Montaigne #assassin #impuni

Source link

Home

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut