« Michel Foucault, le philosophe et le poisson rouge », sur France 5 : les métamorphoses d’un penseur pop

FRANCE 5 – VENDREDI 21 JUIN À 23 H 40 – DOCUMENTAIRE

C’est la part d’ombre, ou plutôt de lumière, de l’auteur de Surveiller et punir (Gallimard, 1975) qu’entreprend de nous montrer Lise Baron pour les 40 ans de la disparition de cette icône de la French Theory que fut Michel Foucault (1926-1984). C’est donc en pleine lumière, celle de Californie, que démarre le documentaire. Nous sommes en 1975, Michel Foucault est au volant, en route pour la Death Valley, deux jeunes Américains sur la banquette arrière, du LSD dans la boîte à gants. Ainsi va la vie à 100 à l’heure − « une fulgurance », « une œuvre unique », « un roman initiatique pop », dit le commentaire − de « l’un des intellectuels les plus lus et commentés dans le monde ». Qui finira par se crasher en juin 1984 sur le mur du sida.

Une vie qui débute à Poitiers, dans une famille bourgeoise où l’on est chirurgien de père en fils. Le jeune Paul-Michel choisira, lui, de prendre la plume, « comme mon père maniait le bistouri », dira-t-il plus tard. Chez les Foucault, la dissection est un art. Lui la portera à des sommets rarement atteints.

Dénoncer la norme

Attiré très tôt par les garçons, le cadet des Foucault veut « comprendre, comprendre les autres, peut-être aussi se comprendre lui-même, (…) cette angoisse de la différence, cette injonction de la norme », dit le commentaire en voix off. Une norme qu’il ne cessera de dénoncer, de déconstruire, de disséquer, donc. Pour gérer son mal-être, le jeune homme « en appellera très tôt aux philosophes : Kant, Hegel, Marx, Platon et Aristote ». Et à la psychanalyse, s’inscrivant aux séminaires de Lacan à Sainte-Anne entre 1953 et 1963.

Michel Foucault, le philosophe et le poisson rouge déroule les « métamorphoses successives » de l’intellectuel engagé, qui ne cessa de sortir de sa tour d’ivoire de penseur, ancré dans son siècle. Il anticipera très tôt l’impact de l’audiovisuel pour faire de la philosophie un art du combat.

Les images d’animation mixées à celles d’archives illustrent bien comment le « philosophe psychédélique » parviendra à rendre l’aride philosophie presque accessible au plus grand nombre, dans les swingin’ sixties. En 1966, son deuxième livre, Les Mots et les Choses (Gallimard), dans lequel il revendique, à la télévision sur le plateau de Pierre Desgraupes (1918-1993), « une archéologie de ce qui nous est contemporain », va devenir, « avec la jupe Courrèges, l’un des accessoires indispensables pour des vacances branchées », dit le commentaire, dont on ne sait pas trop quelle est la part d’ironie…

Du lycée Henri-IV (de Poitiers puis de Paris) au Collège de France, en passant par les universités d’Uppsala (Suède), de Varsovie, de Clermont-Ferrand, le philosophe engagé − et parfois enragé − se penchera très tôt sur la folie. Celle des hommes et celle de la société, qui en fit au siècle des Lumières une maladie mentale pour mieux « mettre en place l’ordre bourgeois », dénonce-t-il dans Histoire de la folie à l’âge classique (Plon, 1961). Un « cas archétypal de l’intellectuel absolu et jeune : hors du temps », écrira Le Monde à la parution du livre, en juillet 1961.