Manifestations en Géorgie : qu’est-ce que la loi controversée sur l’« influence étrangère » ?

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La dernière étape d’une crise politique qui dure. Malgré un mois de manifestations hostiles, parfois sévèrement réprimées par les forces de l’ordre et faisant fi des pressions européennes tentant de mettre le pied sur le frein, la Géorgie a adopté, ce mardi, une loi controversée sur l’« influence étrangère ».

La situation était particulièrement tendue à Tbilissi ce mardi après le vote, à 84 voix « pour » et 30 voix « contre » du texte. À l’annonce des résultats, des manifestants ont afflué dans les rues de la capitale et des affrontements avec les forces de l’ordre sont intervenus par endroits. On fait le point sur les enjeux de cette loi controversée et les répercussions qu’elle pourrait avoir pour ce petit pays du Caucase.

Des manifestations et un gouvernement qui fait la sourde oreille

Comme depuis maintenant un mois, de nombreuses manifestations étaient en cours devant le parlement jusqu’à tard lundi soir et encore à la mi-journée ce mardi pour s’opposer à cette loi, que les députés ont adoptée au cours d’un examen en troisième et dernière lecture. Lors des débats, des élus de la majorité et de l’opposition se sont affrontés à coups de poing.

Ces nouvelles tensions interviennent alors que le pays est le théâtre de manifestations antigouvernementales depuis début avril, date à laquelle le parti au pouvoir, le Rêve géorgien, a introduit ce projet de loi tant décrié. Et pour cause, les opposants voient ce texte comme un moyen pour Moscou de resserrer son étau sur cette ancienne république soviétique.

 

La présidente du pays Salomé Zourabichvili a indiqué qu’elle déposerait son véto après l’adoption du texte, sans que cela n’influence sur le sort de la loi puisque le parti Rêve géorgien assure disposer d’assez de voix pour passer outre.

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Un contrôle plus strict du financement des ONG

Ce texte n’est pas nouveau : il avait fait son apparition dans une première mouture votée par le parlement en mars 2023 mais avait été retiré face au tollé et aux manifestations. « Ils l’ont retiré et le Premier ministre de l’époque était allé à Bruxelles et avait promis que cette loi n’allait pas être réintroduite. À l’époque, on l’a cru », déplore Thorniké Gordadze, chercheur à l’institut Jacques Delors, enseignant à Sciences-po et ancien ministre géorgien en charge des relations avec l’Union européenne de 2010 à 2012.

Dans sa version très légèrement édulcorée et présentée au parlement ce mardi, la loi impose aux ONG et aux organisations médiatiques recevant plus de 20 % de financement de l’étranger de s’enregistrer en tant qu’ « organisation poursuivant les intérêts d’une puissance étrangère ». « La loi donne aussi au gouvernement la possibilité de fouiller dans les comptes personnels de tous les membres des organisations, cela rend impossible le fonctionnement des ONG et des médias libres », complète le chercheur.

 

Le but affiché d’une telle mesure est de contraintes les différentes organisations à faire preuve de plus de transparence sur leurs financements. Le très influent chef de file du parti Rêve géorgien, le milliardaire Bidzina Ivanichvili, qui a été Premier ministre de la Géorgie entre 2012 et 2013, a assuré que « le financement non transparent des ONG est le principal instrument pour la nomination d’un gouvernement géorgien de l’étranger ».

Il s’agit d’une « menace sérieuse pour les droits à la liberté d’expression et d’association », selon le haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Volker Türk. Jeudi 2 mai, ce dernier a demandé le « retrait » du texte tout en signalant son inquiétude de l’usage « disproportionné de la force » contre ceux qui s’y opposent. Autre épisode d’un mouvement de contestation qui a dépassé les frontières de ce pays caucasien, l’ambassadeur de Géorgie en France, a démissionné en raison de ce texte, tout en appelant à son retrait, dans un entretien pour le journal Le Monde.

Une loi qui éloigne le pays de l’UE

Le texte a été renommé la « loi russe » par ses détracteurs. Et pour cause, il imite une législation existante dans l’arsenal législatif de la Russie et permettant la répression des opposants. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a d’ailleurs salué « la ferme volonté des dirigeants géorgiens de protéger leur pays contre toute ingérence flagrante dans ses affaires ».

La population proeuropéenne en Géorgie craint que l’adoption de cette loi n’éloigne le pays des Vingt-Sept, alors que l’Union européenne a accordé en décembre 2023 à la Géorgie le statut de candidat officiel. Quelques heures avant le vote ce mardi, Peter Stano, un porte-parole de l’Union européenne a tenu à maintenir la pression en indiquant que l’adoption de la loi serait un « grave obstacle » à l’adhésion du pays du Caucase à l’UE. L’institution avait précédemment salué « l’engagement impressionnant » des Géorgiens en faveur de l’intégration européenne et appelé à enquêter sur les actes de violence à l’égard des manifestants.

Une situation complexe alors que le pays est divisé entre influence européenne et russe. « Ce qui se passe dans les rues en Géorgie dépasse la question de la loi », analyse Thorniké Gordadze. « La première demande c’est bien que cette loi soit retirée, mais les slogans sont aussi non à la Russie, oui à l’Europe. Les manifestants veulent également des élections libres et transparentes ». Une revendication particulièrement d’actualité, alors que se tiendront en octobre des élections législatives dans le pays, qui feront office de suffrage test pour le parti au pouvoir.

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