Lee Miller, photoreporter sous les bombes, à Saint-Malo

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Lee Miller est de retour à Saint-Malo. Enfin ! Cette artiste américaine, égérie du surréalisme et photographe d’exception, méritait bien que la cité malouine, si chère à son cœur, finisse par lui rendre un hommage à la mesure de son talent. C’est chose faite grâce à l’exposition « Saint-Malo assiégée », riche de 54 photographies prises sur le vif par la photoreporter entre le 13 et le 17 août 1944, date de la libération de la ville par la 83e division d’infanterie américaine.

Pourtant, ces visages meurtris de Malouins évacuant à la hâte leur maison dévastée, ces GI au regard inquiet, ces prisonniers allemands mortifiés par la défaite mais soulagés d’être en vie, jamais Lee Miller, armée de son Rolleiflex toujours pendu à son cou, n’aurait dû les saisir. L’histoire en décida autrement.

Photographe pour le magazine Vogue, Lee Miller (1907-1977) débarque à Omaha Beach (Calvados), le 12 août 1944. Le service d’information de l’armée américaine a accepté de l’accréditer et de l’escorter jusqu’à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), où elle est censée faire un reportage sur le « jour d’après », les renseignements militaires ayant certifié que le secteur était pacifié.

A l’époque, rappelons-le, il était interdit aux femmes de s’aventurer sur un champ de bataille. Or, Saint-Malo, contrairement aux informations officielles, est en feu. Galvanisés par leur commandant prussien, le colonel Andreas von Aulock, qui s’est battu à Stalingrad, les soldats allemands, retranchés dans la Cité d’Alet d’où ils contrôlent le port et la baie, résistent âprement. Le 13 août, quand Lee Miller approche des remparts de la ville close, paradis maritime tant admiré par cette grande francophile, les combats font rage. La journaliste découvre alors la peur des snipers, l’épouvante des engins piégés et l’horreur des corps mutilés. Même si elle a survécu au Blitz à Londres, en 1940, elle vit sa première guerre, sa « guerre personnelle », écrit-elle.

Photos censurées

Elle est la seule photographe présente à des kilomètres à la ronde. Robert Capa (1913-1954), dont les images du Débarquement publiées dans Life ont fait le tour du monde, a quitté la zone quelques jours auparavant. « Lee Miller bascule d’un seul coup dans le reportage de guerre et se montre très courageuse, indique Hélène Gédouin, l’une des deux commissaires de l’exposition. Elle va d’ailleurs suivre les troupes américaines jusqu’à la libération du camp de Dachau [Allemagne], en avril 1945. »

La violence dont Lee Miller est témoin pendant ces cinq jours historiques du mois d’août ne transparaît guère dans les photos présentées à Saint-Malo, exception faite de celles des raids aériens incessants. Ses images dévoilant le bombardement au napalm de la Cité d’Alet par l’aviation américaine seront d’ailleurs censurées par Washington et non publiées dans le numéro du Vogue britannique d’octobre 1944, où son reportage malouin paraît, avec un article écrit par ses soins. Les Etats-Unis veulent absolument garder le secret sur cette nouvelle arme, conçue en 1942.

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