Le théâtre de plein air de Hammamet, 60 ans d’existence : Une architecture, une scène, un festival | La Presse de Tunisie

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Son architecture est à la fois brutaliste dans l’expression de ses matériaux et sa mise en œuvre et atemporelle par son atmosphère antique, ayant vu le jour dans un contexte de reconstruction nationale et dans une vision moderniste, tournée vers l’avenir.

La 58e édition du Festival International de Hammamet, qui se tiendra du 5 juillet au 3 août 2024, célèbre les 60 ans d’existence de l’iconique théâtre de-plein air de Hammamet. Sa scène mythique a vu défiler d’innombrables artistes tunisiens et internationaux, toutes disciplines et nationalités confondues.
Ce théâtre qui domine la mer et qui peut accueillir jusqu’à 1.100 spectateurs est considéré comme l’un des plus beaux théâtres de plein-air de la Méditerranée. Il occupe un espace en bordure de mer du parc de Dar Sébastien, réalisée dans les années 20 par Gheorge Sebastian, mécène roumain et conçue pour recevoir de nombreux hôtes.
Tel qu’il a été conçu par les Ateliers d’Urbanisme et d’Architecture de Paris, ce théâtre constitue sans doute la seule synthèse actuellement existante de la scène antique et de la scène élisabéthaine. Maurice Béjart, les compagnies Alvin Ailey et Alwin Nikolais y dansèrent.

Brutaliste aux allures antiques

Construit après l’indépendance et l’acquisition du domaine de Sebastian par l’État tunisien, ce lieu n’est pas uniquement un espace dédié aux spectacles mais reflète avant tout l’image de la République naissante. Derrière son architecture gréco-élisabéthaine, on trouve les deux architectes français Paul Chemetov et Jean Deroche, ainsi que le scénographe René Allio. Les travaux de construction ayant été assurés par le maître d’oeuvre Armand Meppiel et une équipe tunisienne.
Paul Chemetov (1928–2024), qui d’ailleurs nous a quittés il n’y pas longtemps (le 16 juin à l’âge de 95 ans à son domicile parisien), était un pilier de l’architecture sociale d’aprèsguerre. Fils de l’illustrateur russe Alexandre Chemetoff (dit Chem, émigré en France en 1924), cet adhérent du Parti communiste se disait au service des plus modestes. Comme beaucoup d’architectes de la seconde moitié du XXe siècle, il était influencé par les lignes simples et rigoureuses de Le Corbusier (1887–1965), et son utilisation de matériaux bruts, comme le béton, pour construire rapidement et à moindre coût des habitations ou grands complexes à vocation sociale. Il fut qualifié à cet effet de «pape du logement social» par l’architecte Edith Girard (il en a bâti plus de 7.000).
Lauréat de plusieurs concours publics français, il signe, entre autres, le siège du ministère de l’Économie et des Finances (Paquebot de Bercy) construit entre 1984 et 1989 dans le quartier de Bercy à Paris; la patinoire de Saint-Ouen (1979), dont la façade évoque un tableau constructiviste; l’immeuble des Coursives (1981), comportant 290 logements sociaux à Pantin en SeineSaint-Denis; le Ruban bleu, ensemble de 300 logements à Reims (1983); la place Carrée et la piscine du Forum des Halles de Paris (1985); ou encore l’ambassade de France en Inde (1985).

Malgré les protestations de Chemetov et ses actions en justice, plusieurs de ses réalisations ont cependant été démolies dans les années 2010 en Île-de-France. Ces destructions avaient provoqué un tollé chez les défenseurs du patrimoine du XXe siècle, témoin d’une certaine époque et d’un certain idéal social humaniste.
Jean Deroche est né le 5 décembre 1931 à Dakar au Sénégal. Diplômé en 1961, il a rejoint l’Atelier d’urbanisme et d’architecture (AUA) un an après sa création, en 1961. L’AUA était une structure coopérative fondée par Jacques Allégret qui rassemblait spécialistes, architectes entre autres Chemetov, urbanistes, sociologues. Deroche participe à ce titre à diverses réalisations, il fut d’ailleurs associé, de 1962 à 1970, à Chemetov. C’est dans ce cadre que les deux architectes ont été sollicités en 1962 (jusqu’en 1964) par l’Etat tunisien pour concevoir le théâtre de Hammamet, conçu alors comme le projet d’une «Architecture brutaliste». Le contexte étant marqué par les contraintes des restrictions budgétaires et la cherté des produits d’importation, ils choisissent alors de favoriser l’utilisation de matériaux locaux et les techniques de préfabrication, comme l’écrit l’architecte Mounir Ayoub qui souligne : «La pierre est utilisée pour les parois porteuses et notamment le mur du fond de scène. Les gradins sont le résultat d’un ingénieux assemblage de deux éléments de béton préfabriqués. Les tours de projections sont réalisées en béton armé, brut de décoffrage. La terrasse dans le prolongement de la scène est badigeonnée en chaux blanche. Le bar, œuvre d’Annie Tribel, est réalisé en simples parpaings, également peints en blanc. Enfin, les loges situées sous le théâtre sont couvertes par des voûtes surbaissés en brique creuse apparente».
Selon les propos de Mounir Ayoub, René Allio, compagnon de route des architectes de l’AUA, fut l’un des principaux acteurs de la mutation des dispositifs architecturaux du théâtre. Dans un contexte de redéfinition du théâtre comme lieu de la culture populaire dans la société, il a contribué à faire basculer l’organisation spatiale des salles à l’italienne, jugée trop « bourgeoise », vers des configurations voulues plus «populaires». Allio s’est fortement inspiré du projet de Théâtre Total de Walter Gropius qui projetait déjà en 1927 d’« entraîner le spectateur au centre de l’action scénique afin qu’il ne fasse qu’un avec l’espace où l’action se déroule», reprenant notamment la forme elliptique de l’utopie de Gropius. «Progressivement la configuration cruciforme disparaît au profit de plans de plus en plus décentrés, où les rapports entre scène et salle deviendraient à la fois moins dirigés que dans la salle à l’italienne et plus libres que dans le théâtre total de Gropius», note Ayoub.
Plus qu’une volonté d’expression stylistique, le projet de théâtre à Hammamet était porté par son processus de fabrication. Son architecture est à la foi brutaliste dans l’expression de ses matériaux et sa mise en œuvre et atemporelle par son atmosphère antique, ayant vu le jour dans un contexte de reconstruction nationale et dans une vision moderniste, tournée vers l’avenir.
Dans sa célébration des 60 ans d’exsistence de ce lieu mythique, le Festival International de Hammamet a prévu pour la soirée d’ouverture de présenter la création théâtrale «Othello» de Hammadi Louhaibi, en hommage à l’oeuvre d’Aly ben Ayed, présentée lors de la toute première édition du festival en 1964.
L’affiche, conçue par la graphiste et universitaire Ines Dira, est un clin d’œil au patrimoine architectural unique et propre à la ville de Hammamet, à ses monuments, et à son théâtre. Une affiche qui oscille entre histoire et contemporanéité, diversité culturelle et artistique. Elle raconte la ville, le festival avec ses composantes.
Musicalement, on nous annonce de la pop avec Ramy Ayach et Carole Samaha, de l’alternatif avec Bedouin Burger et Tania Saleh et de l’engagé avec Nai Barghouti ou Tinariwen, du Tarab, du jazz, du Flamenco et du reggae.
La Belgique répondra présente avec le groupe Hooverphonic, la France avec Electro Deluxe, l’Italie avec Danilo Rea et l’Espagne avec Tomatito.
Le FIH, comme l’indiquent les organisateurs, sera aussi l’occasion de rendre hommage à la Palestine à travers différentes performances au programme.Le clap de fin se fera le 3 août 2024 en musique avec «Imagine», spectacle du virtuose Karim Thlibi, qui nous offre une parenthèse sonore potée par un florilège de 100 musiciens tunisiens.

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