« La nostalgie est aussi un produit consommable, une marchandise émotionnelle »

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Professeure à l’Ecole des médias et directrice du centre de recherche cultures-arts-sociétés à l’université du Québec, à Montréal, Katharina Niemeyer, qui a codirigé l’ouvrage Nostalgies contemporaines. Médias, cultures et technologies (Presses universitaires du Septentrion, 2021), estime que le passé, lorsqu’il n’est pas réduit à une marchandise émotionnelle, peut venir ensemencer le présent.

Il semble qu’une valeur positive est aujourd’hui accordée à la nostalgie, alors qu’historiquement cela n’a pas toujours été le cas. Comment qualifier cette évolution ?

La nostalgie semble en effet jouir d’une meilleure réputation aujourd’hui. Ce sont les études en psychologie au début des années 2000 qui ont souligné qu’elle peut être bénéfique quand on se sent triste, seul ou quand on est en deuil.

Il est cependant important de garder en tête que la nostalgie peut aussi amener à des dérapages, surtout sur le plan politique, où l’emphase mise sur une seule et unique idéalisation du passé peut scléroser le présent et l’avenir. De nombreuses recherches montrent que la nostalgie peut ouvrir des perspectives nouvelles sur le passé, elle peut être réflective et prospective. Il y a une différence entre vouloir restaurer le passé tel qu’il semble avoir été et mobiliser des éléments du passé pour un meilleur présent et avenir en évitant de tomber dans une idéalisation sans nuance.

Du retour du Walkman à celui du Polaroid, les motifs du passé sont présents partout aujourd’hui sous une forme fétichisée. Comment comprendre cette apparente omniprésence de la nostalgie dans nos vies ultraconnectées ?

Le retour de technologies vintage ne s’explique pas par un seul mouvement. Il y a d’une part ce que l’on nomme la technostalgie : elle désigne le désir de retrouver d’anciennes technologies, analogiques ou numériques, de découvrir leur fonctionnement. Et, d’autre part, le besoin de vivre ou de revivre des moments sociaux qui y sont associés : faire tourner un disque, bricoler des cassettes VHS. Cela étant dit, ce n’est pas toujours la nostalgie qui est à l’origine de cet engouement : il ne faut pas oublier qu’il peut s’agir d’un besoin de ralentir ou de se déconnecter.

Les crises multiples fonctionnent-elles comme un accélérateur nostalgique ?

Le sentiment nostalgique émerge effectivement davantage en temps de crise, tel que ce fut le cas durant la pandémie de Covid-19, ou de progrès, sous la forme d’une résistance au changement. Tout cela fonctionne comme un véritable moteur.

Concernant le retour de certaines modes, ce n’est pas nouveau dans l’histoire : la nostalgie est cyclique, mais il y a davantage de visibilité pour « le passé », notamment depuis l’avènement du Web 2.0. Donc on peut vite avoir l’impression que la nostalgie s’accélère. Le marketing nostalgique n’est pas récent non plus, mais un discours ou une esthétique nostalgique – que ce soit une vidéo publicitaire, une série télévisée rétro ou encore une campagne politique – ne signifie pas d’office que les consommateurs ou spectateurs vont se sentir nostalgiques.

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