La langue de bois, un sport de haut niveau

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Professionnel jusqu’au bout des crampons. Même encore essoufflé, le champion maîtrise l’art de parler pour ne rien dire au terme d’une rencontre. Ce constat doit essentiellement au football − le sport le plus populaire, le plus médiatisé, et celui où les enjeux économiques sont les plus prégnants −, dont les représentants ont élevé la langue de bois au rang de discipline à part entière.

Tous les amateurs connaissent les poncifs du foot qu’ils s’amusent à singer. Le plus important ? « Les trois points ». Comment envisager la prochaine rencontre ? « On prend les matchs les uns après les autres. » Pourquoi avoir joué aussi défensivement ? « L’équipe est bien en place. » L’entraîneur fait ostensiblement étalage de son mécontentement contre les joueurs ? « Le groupe vit bien. » Faut-il s’inquiéter après trois défaites d’affilée ? « Dans le football, les choses peuvent aller très vite. » Fermez le ban.

Ce jargon aux forts relents de « media training » ne doit pas laisser penser que le footeux serait incapable de s’exprimer par lui-même. La preuve : lorsque les joueurs ne parlent plus de football mais de politique, ils savent très bien faire passer leur message, comme le suggèrent les récentes prises de position des membres de l’équipe de France Kylian Mbappé, Marcus Thuram ou Jules Koundé au sujet des élections législatives.

Un état de béatitude

En revanche, dès qu’il s’agit de causer de son métier, le footballeur dégage loin en touche. « Toute communication transparente est dangereuse, car elle sera reprise, voire déformée, sur X, ce qui risque de placer le joueur en porte-à-faux », souligne Erik Bielderman, journaliste à L’Equipe. « En vérité, poursuit-il, les footballeurs ont de moins en moins besoin des médias ; ils font passer leurs messages par leur propre canal sur les réseaux sociaux. »

Pour se donner un minimum de consistance, la parole sportive de haut niveau a trouvé une nouvelle frontière. L’important n’est plus de gagner, ni même de participer, mais d’éprouver « du plaisir ». Un état de béatitude qui s’impose, même si, de toute évidence, la partie fut âpre, fermée et guère plaisante. De même, une contre-performance n’est pas le fruit d’une méforme mais de l’impossibilité d’éprouver du plaisir sur le terrain. CQFD.

Pour Erik Bielderman, l’olympisme apporte une certaine spontanéité dans cet univers de la parole préfabriquée. « Un sportif qui participe aux JO sait qu’il s’intègre à un événement qui ne lui permet de prendre la lumière que tous les quatre ans, ce qui peut l’encourager à ouvrir son cœur et à exprimer une réelle émotion, qu’il s’agisse de bonheur ou de déception », plaide-t-il.

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