La date des vendanges à Beaune, témoin du dérèglement climatique

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En 1792, le calendrier républicain avait baptisé vendémiaire – en référence aux vendanges – le mois courant du 22 septembre au 21 octobre. Un temps bel et bien révolu, puisque les vendanges sont de plus en plus précoces, sous l’influence du changement climatique : des températures plus élevées accélèrent la maturation des raisins.

A Beaune (Côte-d’Or), la date moyenne du début des vendanges survient de plus en plus tôt dans l’année, d’après une étude compilant les dates de vendange depuis 1354, publiée dans la revue scientifique Climate of the Past en 2019.

Son auteur principal, Thomas Labbé, cofondateur du groupement d’étude historique PArHis et chercheur associé à l’université de Bourgogne, a fourni au Monde une version actualisée jusqu’à la date des vendanges du pinot noir à Beaune, le 13 septembre 2024.

Le graphique ci-dessous représente la date de récolte du cépage aux Hospices de Beaune depuis 1354, avec un zoom possible sur la période récente. Chaque point représente une année, la ligne rouge correspond à la moyenne glissante sur onze ans (cinq ans avant, cinq ans après). Ces données montrent que les récoltes ont été avancées d’environ deux semaines et demie depuis le milieu des années 1980.

A Beaune, les vendanges ont lieu de plus en plus tôt


Valeurs


Moyenne sur 11 ans (N-5 à N+5)


Source : EURO-CLIMHIST ; période 2019-2024 fournie au Monde par M. Labbé.

Le reflet de 670 années de vendanges

Cette base de données, remontant sur 670 ans, a été reconstituée à partir d’archives multiples. « L’importance en termes économiques du vignoble fait qu’on a des traces qui remontent très loin dans les archives », explique M. Labbé.

Les « bans de vendanges », par lesquels les autorités locales autorisent le début des récoltes, permettent de retrouver des informations très bien conservées, notamment au Moyen Age et sous l’Ancien Régime où ils représentent un important droit seigneurial. Pour les millésimes les plus anciens, au XIVe siècle, la date a été établie à partir des comptes de l’église Notre-Dame de Beaune. Pour d’autres périodes, les registres de délibérations capitulaires de Notre-Dame de Beaune puis les délibérations du conseil de ville sont utilisés par les chercheurs, ou encore, depuis 1966, les articles de presse régionale (pour le pinot noir du domaine des Hospices de Beaune).

La profondeur historique des données recueillies montre quelques millésimes d’une rare précocité au XVIsiècle. Mais « ces années “exceptionnelles” du passé sont devenues, de plus en plus, la norme », commente M. Labbé. Depuis 1980, seules deux récoltes ont eu lieu en octobre et, sur les quinze années les plus précoces de la série, huit datent d’il y a moins de vingt-cinq ans.

Un indicateur viticole devenu indicateur climatique

Cette base de données sur les vendanges en Bourgogne constitue, comme les dates de la floraison des cerisiers au Japon, un indicateur historique du changement climatique, cité dans le sixième rapport du Giec.

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L’avancement des dates des vendanges a aussi été mis en évidence dans d’autres vignobles, en Alsace ou en Champagne, avec moins de profondeur historique. Il y a, bien sûr, des marges d’erreur et des limites d’interprétation aux liens entre climat et dates des vendanges. D’abord, celles-ci ne sont pas un « thermomètre » : « elles restent avant un tout un indicateur viticole, qu’on a transformé en indicateur climatique car il est très corrélé aux températures », explique M. Labbé.

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D’autres facteurs, comme l’évolution des pratiques viticoles et des goûts, ont aussi pu modifier la date des vendanges. « Selon les époques, on ne cherche pas à faire les mêmes vins, on peut supposer que dans les périodes plus anciennes, on cherchait des vins à boire très jeune, peut-être avec plus d’acidité. Au contraire, pendant le XXe siècle, on cherche plutôt des concentrations fortes en sucre ». Mais, d’après les recherches de l’historien, la hausse des températures estivales reste le principal facteur influant sur la date des récoltes.

Au-delà de la date des vendanges, le dérèglement climatique peut avoir des répercussions sur la qualité et le goût des vins : taux d’alcool en hausse, moindre acidité… La filière est contrainte de s’adapter et d’envisager, par exemple, de changer de cépages. Certains producteurs décident aussi de s’installer dans des régions plus au nord, où l’activité viticole est historiquement marginale, comme en Bretagne ou en Normandie.

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