«L'accord de libre-échange UE-Mercosur, symbole des contradictions qui tuent notre agriculture»

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FIGAROVOX/TRIBUNE – Après de nouvelles négociations au Brésil, l’accord de libre-échange Mercosur permettrait, s’il est signé, l’augmentation des importations de viandes sud-américaines au détriment de nos éleveurs bovins européens, déplorent Anne-Cécile Suzanne et Marine Colli.

Anne-Cécile Suzanne est agricultrice en polyculture élevage et consultante en stratégie chez Kéa, auteur de Les sillons que l’on trace (Fayard, 2024). Marine Colli est consultante en politiques publiques agricoles, spécialiste des questions de commerce international.


C’était le 1er février dernier, en pleine crise agricole, à la sortie d’un Conseil européen extraordinaire. Emmanuel Macron se félicitait d’avoir enterré le Mercosur, traité de libre-échange entre l’Union européenne et l’Amérique latine : les discussions avaient, selon lui, «bien été suspendues comme la France le demandait». Parce qu’il était inacceptable «que les règles environnementales et sanitaires qu’on impose à nos agriculteurs ne soient pas les mêmes du côté des pays à qui on est en train d’ouvrir nos portes». Avant d’insister : «Sinon, ce n’est pas juste».

Ce n’est pas juste. Pourtant, la conclusion de cet accord – négocié depuis 1999 ! – semble n’avoir jamais été aussi proche. À l’issue d’un nouveau cycle de discussions début septembre, des sources internes à la Commission européenne présageaient dans la presse une issue favorable imminente. L’accord pourrait être annoncé dès la mi-novembre à l’occasion du G20 de Rio de Janeiro.


Cet accord de libre-échange avec le Mercosur force l’Union européenne à perdre du terrain simultanément sur les plans de la souveraineté alimentaire, de la transition écologique et de la santé publique.

Anne Cécile Suzanne et Marine Colli

Ce n’est pas juste. Voilà ce que se disent les éleveurs français de volailles. Des producteurs à qui l’Union européenne a, en 2024, imposé de nouvelles normes visant à réduire la taille de leurs élevages dans le cadre de sa Directive relative aux émissions industrielles. Tout en offrant aux fermes-usines brésiliennes, 50 fois plus grandes en moyenne, un accès facilité à son marché. Le projet d’accord avec le Mercosur prévoit l’ouverture d’un nouveau quota d’importation annuel, à droits de douane nuls, pour 180.000 tonnes de viandes de volaille brésiliennes. Ceci alors qu’un poulet sur deux consommés en France est déjà importé.

Ce n’est pas juste pour nos éleveurs bovins, à qui l’Union européenne demande de maintenir un élevage au pâturage, tandis qu’elle dope les ventes, sur son marché, de viandes américaines issues d’animaux engraissés aux antibiotiques promoteurs de croissance, dans des «feedlots» de 10.000 têtes de bétail, situés le plus souvent dans des zones où s’étendait avant la forêt. L’accord avec le Mercosur prévoit l’arrivée de 99.000 tonnes de viandes bovines sud-américaines supplémentaires, chaque année, dans nos assiettes. Ceci, alors qu’au pays de l’Aubrac, de la Charolaise et de la Salers, nous importons déjà plus de 30% de la viande de bœuf que nous consommons.

Ce n’est pas juste pour les producteurs de maïs européens, pointés du doigt pour leur utilisation de pesticides et soumis, en même temps, à la concurrence du maïs brésilien traité à l’atrazine : un herbicide classé nocif pour la santé et l’environnement, interdit depuis plus de vingt ans en France. L’accord avec le Mercosur prévoit l’importation, sans droits de douane, d’un million de tonnes supplémentaire de maïs chaque année. Ceci, alors que l’Union européenne est déjà devenue, en 2023, championne du monde de l’importation de maïs devant la Chine.

Ce n’est pas juste pour nous tous, citoyens. Car en stimulant ainsi l’agrobusiness brésilien qui, pour asseoir sa domination sur le marché mondial, ne cesse de se développer sur le dos de la forêt Amazonienne et à grands coups de substances toxiques interdites en Europe, cet accord de libre-échange avec le Mercosur nous expose à tous les dangers sanitaires et nous fait perdre la maîtrise de nos assiettes. Il force l’Union européenne à perdre du terrain simultanément sur les plans de la souveraineté alimentaire, de la transition écologique et de la santé publique. Il la fait tomber dans les plus grandes contradictions, elle qui impose le plus haut niveau à ses producteurs et participe directement, par ses importations, au réchauffement climatique, à la déforestation et, finalement, à la destruction de son tissu économique et social rural.

Au fond, ce n’est tellement pas juste que cette menace nous a paru longtemps lointaine, peu crédible, irréelle. Malheureusement, la réalité est bien en train de nous rattraper : Emmanuel Macron, Michel Barnier et le futur gouvernement n’ont plus que quelques semaines devant eux, pour faire en sorte de nous en protéger.



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