L’Académie de l’Opéra royal de Versailles: une troupe où faire ses gammes

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Neuf chanteurs et quatre musiciens composent cette nouvelle formation qui entraîne ses membres aux aspects les plus divers de la carrière.

Plus de 130… C’est le nombre de candidatures, émanant de jeunes instrumentistes ou chanteurs, reçu par l’Opéra royal du château de Versailles lors du lancement de sa première académie de musique, il y a un peu plus d’un an et demi. Cet engouement qui ne surprend pas Laurent Brunner, le directeur artistique des lieux, à l’origine de ce projet. «Aussi vertueux soit-il, le système d’enseignement de la musique en France encourage peu la pratique professionnelle. Alors, puisque à Versailles on aime les projets à la manière ancienne, on a voulu tendre la main à de jeunes musiciens sur un modèle à l’ancienne, sourit-il, celui des troupes.»

En clair, il ne s’agit pas tant d’une académie de formation, que d’une académie tournée d’abord et avant toute chose vers la pratique. Car Laurent Brunner en est persuadé: «On a aujourd’hui la chance, dans notre pays, d’avoir une jeune génération de musiciens, pour beaucoup déjà familiers de la grammaire du XVIIe et du XVIIIe siècle, et dont on ne soupçonne pas la moitié des capacités. Ces jeunes interprètes n’ont pas besoin d’une académie pour les rendre meilleurs. Ils ont besoin d’une académie qui les porte et leur offre du travail, de la visibilité, et par-dessus tout de la confiance.»

Si l’Académie de l’Opéra royal compte donc bel et bien une partie formation, avec plusieurs master class dispensées par des artistes familiers de la maison (du chanteur Mathias Vidal au luthiste Thomas Dundorfd, en passant par le cher Stéphane Fuget ou le claveciniste Justin Taylor), celle-ci reste avant tout tournée vers la pratique professionnelle, et non vers la technique. «Mathias Vidal leur a par exemple appris à construire un programme pour un concours.» Mais «l’idée de départ, avec ce projet né à la sortie du Covid, était d’abord de donner du travail à des jeunes, en leur permettant de toucher à une grande quantité de répertoire et de formats différents», poursuit Brunner. Une diversité de pratiques et de projets rendue possible par la structure même du château de Versailles, et sa physionomie.

Une diversité de formats et de répertoires

En plus des opéras mis en scène ou en version concert proposés tout au long de la saison à l’Opéra royal, ou de ses concerts de musique sacrée à la chapelle du château, le domaine s’anime en effet, chaque été, de début juin à la mi-septembre, d’animations et de visites immersives. Des propositions qui permettent par exemple aux visiteurs de déambuler dans les salles emblématiques du château au rythme d’interventions musicales, de saynètes théâtrales ou de démonstration de danse baroque. «C’est au départ pour les besoins de cette dernière que nous avions pensé l’Académie, il y a trois saisons, détaille Laurent Brunner. Une académie tournée vers la danse baroque, et pour laquelle nous avions auditionné plus de 200 jeunes danseurs. Une quinzaine nous ont rejoint et animent ces érénades royales de la Galerie des Glaces à raison d’une quarantaine de représentations par an. L’expérience a si bien marché qu’on a eu l’idée de la décliner aussi pour la musique. Mais pas uniquement pour les Sérénades d’été ou le Parcours du roi que nous proposons en hiver. Non: l’idée, cette fois, était de pouvoir les distribuer sur une trentaine de projets chacun, tout au long de la saison, du concert aux enregistrements, en passant par des rôles petits ou grands à l’opéra!»

Or cette diversité de formats, mais aussi de répertoires, peut s’avérer par elle-même très formatrice. «Entre les productions de l’Académie comme la Didon et Énée que nous avons montée l’année dernière, et qui nous a permis d’aborder des rôles solistes importants, les tournées de concerts que nous avons pu faire avec l’Orchestre de l’Opéra royal comme celle que je viens de réaliser cet été pourles Leçons de ténèbres de Couperin, ou encore notre participation aux différentes actions culturelles dans le château comme à l’extérieur, on touche un public extrêmement large et diversifié», se réjouit Sarah Charles.


Chanter lors des Sérénades, pour un public composé plutôt de touristes, ou bien dans les Ehpad des environs de Versailles nous permet de vraiment sortir de notre zone de confort

Sarah Charles, soprano

La soprano, qui a rejoint l’Académie à sa création, l’avoue bien volontiers: «Ce qui m’a tout de suite attirée, c’est le fait qu’une institution comme l’Opéra royal nous fasse confiance en nous proposant dès la première année de nous frotter à des rôles importants, comme pour moi Belinda dans Didon et Énée, que je vais en plus reprendre à la rentrée au côté de Sonya Yoncheva! Dans le monde des académies, c’est plutôt rare», observe la jeune chanteuse… Qui confie s’être très vite prêtée au jeu de la diversité de propositions de l’Académie de l’Opéra royal. «Chanter lors des Sérénades, pour un public composé plutôt de touristes, ou bien dans les Ehpad des environs de Versailles comme nous le faisons dans le cadre des actions culturelles de l’Académie nous permet de vraiment sortir de notre zone de confort tout en embrassant la réalité de la vie de musicien dans toute sa variété. C’est aussi très fédérateur», poursuit-elle, assurant que les amitiés nées entre les académiciens de cette première promotion (la seconde sera auditionnée en mai 2025) ne sont pas près de s’éteindre. Et les porteront sûrement vers de nombreux projets communs dans l’avenir.

Une équipe extrêmement soudée et très investie

Pour Laurent Brunner, ces actions à l’extérieur, et notamment dans les Ehpad, sont tout sauf anecdotiques. «Elles font partie de l’ADN du projet depuis la création de l’Académie. Il faut assister à ces séances, qui ont lieu presque toutes les semaines à raison de cinq mini-concerts à chaque fois, et au cours desquelles les musiciens trimballent souvent une épinette et deux violes de gambe entre les étages pour accompagner les chanteurs avec un enthousiasme communicatif, pour comprendre à quel point ces expériences ont pu marquer le groupe et le souder», raconte-t-il avec émotion.

«C’est déjà une petite équipe extrêmement soudée et très investie», confirme de son côté la jeune chef Chloé de Guillebon, qui vient de diriger musiciennes et chanteuses de l’Académie dans les Leçons de ténèbres de Couperin lors de la tournée estivale de l’Orchestre de l’Opéra royal (après avoir dirigé l’enregistrement des Saisons de Boismortier auquel participa justement Sarah Charles). Les profils des neuf chanteurs et quatre musiciens (un claveciniste, un luthiste et deux violes de gambe) sélectionnés pour la première promotion parlent d’eux-mêmes. «L’un vient de la banque mais est capable de chanter “Toréador” dans Carmen et de nous faire une sorcière bluffante dans Didon et Énée, s’enthousiasme Brunner. L’autre est aussi à l’aise derrière un clavecin qu’avec une flûte baroque. Une autre encore a été capable de remplacer au pied levé une chanteuse malade sur un enregistrement alors qu’elle devait prendre le jour même l’avion pour les États-Unis… Ce sont tous de vraies personnalités, qui à la fois savent dire non lorsqu’elles sentent qu’elles ne sont pas encore prêtes pour tel ou tel rôle, mais n’ont pas froid aux yeux lorsqu’il s’agit de se jeter dans le vide.»


L’avantage d’un lieu comme le nôtre est qu’il voit passer tout au long de l’année quantité d’ensembles et d’artistes invités

Laurent Brunner, directeur artistique de l’Opéra royal de Versailles

Des personnalités auxquelles il espère offrir plus qu’une simple rampe de lancement. «L’avantage d’un lieu comme le nôtre est qu’il voit passer tout au long de l’année quantité d’ensembles et d’artistes invités. Je sais que certains ont déjà repéré plusieurs de nos académiciens, et j’espère que cela leur ouvrira autant de nouvelles opportunités. Comme je sais déjà que je réinviterai un certain nombre d’entre eux lors des saisons à venir lorsqu’ils seront sortis de l’Académie», prophétise-t-il.



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