« J’ai envie que mon métier soit mon arme pour militer » : les jeunes diplômés de plus en plus exigeants avec leurs recruteurs

Partager


« Trouver une structure qui défende les mêmes valeurs que moi, porte ma vision du monde et ne soit pas seulement dans une démarche RSE [de Responsabilité Sociétale des Entreprises, NDLR.], c’était un critère important pour moi », martèle Lucie Boutez, 24 ans, qui termine actuellement son alternance au sein d’une association engagée sur les enjeux sociaux et environnementaux. La jeune femme, bientôt diplômée de Sciences-po, est formelle « je n’accepterai pas un job qui n’inclut pas un engagement social ou écologique ».

Et elle sera également attentive à la politique globale d’un potentiel employeur : « Je regarderai certains éléments comme le fait que la structure me permette d’avoir du temps pour voyager sans avion, propose des congés menstruels, etc. Des éléments qui révèlent une vraie marque de confiance ».

Comme elle, les jeunes diplômés de sa génération ont la réputation d’être plus exigeants envers leurs employeurs que leurs aînés : conditions de travail, rythme, engagement de l’entreprise. Le luxe d’un marché du travail à leur avantage, où les entreprises ont du mal à recruter ? Pas seulement. « Le rapport au travail pour les jeunes générations est complètement différent que pour les précédentes : ils sont davantage dans un rapport affectif que rationnel. Ils restent dans une entreprise par amour, conviction, plaisir, amusement : ils ont envie d’y vivre une expérience unique », explique Élodie Gentina, professeur à l’IÉSEG (école de commerce à Lille et Paris), autrice de nombreux ouvrages et publications sur la génération Z.

« Le salaire ne suffira pas à le retenir »

Si le salaire reste toujours le critère numéro 1, pour toutes les générations, il ne fidélisera pas, à lui seul, un jeune salarié. Des évolutions de mentalité qui bouleversent les attentes envers l’employeur et la structure. Et perdent certains recruteurs. « C’est souvent un choc pour les entreprises. Les plus vieillissantes n’arrivent plus à attirer et à recruter ou à fidéliser leurs salariés », poursuit l’experte. Le phénomène s’est accentué depuis la période du Covid, où les questions liées à l’inclusion, la santé mais aussi l’environnement ont explosé.

Les travaux menés par Inès Albandea, maîtresse de conférences en Sciences de l’Éducation à l’Université de Nantes vont dans la même direction : « Je retrouve dans mes entretiens avec des jeunes la recherche de sens dans le travail, la volonté de pouvoir monter en compétences, évoluer : que leur travail soit fait correctement ». L’engagement social ou environnemental, en revanche, se reflète surtout parmi certaines catégories socioprofessionnelles. « L’idée que le travail corresponde à une éthique ou des valeurs apparaît davantage chez les personnes particulièrement diplômées, qui disposent d’un capital culturel important. Ou à l’inverse, chez des personnes qui ont connu eux-mêmes, ou pour leurs parents, beaucoup de difficultés et vont être dans un discours d’opposition, presque militant ».

« J’ai envie que mon métier soit mon arme pour militer, je veux être dans une organisation où je vais m’épanouir. J’ai envie d’y militer, confirme Maël Crinière, 20 ans, étudiant licence en transition écologique et sociale à l’ESSEC. Pas question de me retrouver dans un rythme métro/boulot/dodo, juste pour gagner ma vie, avec des passions et un engagement à côté ». Et pour cela, le jeune homme sera particulièrement attentif au cadre de travail : « Je pense que je vais chercher du dialogue, de l’horizontalité dans la structure. Pour moi, il serait pertinent qu’il y ait un moyen, un outil ou une assemblée où tout le monde puisse être consulté et s’exprimer, se concerter. » Pour construire et faire évoluer au quotidien sa structure.

Contrairement à leurs aînés, ce n’est pas tant la flexibilité de lieu (télétravail) qui comptera, mais plutôt la flexibilité horaire. « Ils ont connu les cours à distance pendant le Covid et n’ont pas forcément envie de rester seuls et isolés, explique Élodie Gentina. En revanche, finir plus tôt pour faire du sport ou rejoindre des amis sera important ».

« Avoir la possibilité d’avoir des semaines de quatre jours ou des horaires flexibles me permettrait de poursuivre mes engagements associatifs », confirme Chloé Liboureau, 21 ans, élève ingénieure en 4e année à l’Université UniLaSalle, à Beauvais. Si, pour le moment, la flexibilité n’est pas dans ses critères principaux, elle y pense pour plus tard, quand elle se projette avec une famille.

Une légitimité liée aux compétences et non à la place dans l’entreprise

Sur le terrain depuis plusieurs années, Hervé Baron, expert en ressources humaines, qui a notamment travaillé pour McDonald’s, Coca-Cola ou Danone, note une autre spécificité parmi les jeunes salariés : « le marqueur qui me paraît fondamentalement différent chez cette génération, c’est le rapport à l’autorité. Avant, il dépendait du statut de la personne. Aujourd’hui, pour les jeunes, l’autorité est liée à la légitimité de compétences. Quelqu’un peut avoir tous les galons, s’ils ne le jugent pas utile et compétent, il n’existe pas à leurs yeux. En revanche, ils iront vers celui qui aura l’autorité de compétence, de leadership, quelle que soit sa place dans l’organisation ».

Enfin, il s’amuse de voir le rapport à la déconnexion être complètement différent de celui de leurs aînés. « Au-delà de la recherche d’un équilibre vie professionnelle/vie personnelle, ils considèrent qu’on a qu’une vie et qu’elle s’exprime au boulot, chez soi, avec ses amis, dans une perméabilité totale. Ils ne seront pas dans une logique de moments de déconnexion, mais en revanche choisissent ou non de répondre au téléphone ou de regarder leurs mails. »

Certaines de ces tendances se retrouvent d’ailleurs toutes générations confondues. Parfois insufflées par les jeunes arrivants sur le marché du travail. « Ce que je trouve très intéressant, c’est qu’ils sont porteurs de nouveautés et de remises en cause pour l’ensemble du monde de l’entreprise », conclut Hervé Baron.



#Jai #envie #mon #métier #soit #mon #arme #pour #militer #les #jeunes #diplômés #exigeants #avec #leurs #recruteurs

Source link

Home

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut