Hubert Barrère, portrait d’un créateur de mode, plasticien et corsetier​

Comment le définir? Brodeur, plasticien, corsetier, sculpteur… Amoureux des matières assurément, des lignes, de la beauté en général. Son CV est brodé au fil de l’excellence: fils d’une lignée de militaires nantais (à 8 ans, il dessinait déjà des collections), diplômé de la Chambre syndicale de la couture parisienne,

» Découvrez l’intégralité de F, Art de vivre

il a travaillé, entre autres, pour le brodeur Vermont et lancé sa première collection de corsets – sa passion – en 1995 («J’ai essayé d’en faire, malgré sa rigidité, un instrument de liberté et de confort», a-t-il déclaré) pour laquelle il sera récompensé, en 1996, par le grand prix de la mode de la Ville de Paris, avant d’être nommé l’année suivante directeur artistique de la maison Hurel. Il rencontre alors Karl Lagerfeld, avec lequel il travaille dès 1997, et qu’il évoque toujours avec émotion et reconnaissance. Les deux ont en commun, il est vrai, le don des traits d’esprit, une solide culture et le goût du dépassement, talents qui conduiront Hubert Barrère, devenu, en 2011, directeur artistique de la maison de broderies Lesage (Métiers d’art de Chanel) à réaliser les projets parfois extravagants du couturier.

Autre fil à son métier à tisser du beau: les costumes d’opéra. B comme… avec Nicolas Le Riche, en 2018, auquel s’ajoute la scénographie pour Zémire et Azor d’André Gréty à l’Opéra-Comique, l’an dernier. En préparation pour l’été prochain: les costumes de La Descente d’Orphée aux Enfers et des Arts florissants de Marc-Antoine Charpentier, sous la direction musicale de William Christie pour le Jardin des Voix. De quoi broder sans fin du rêve.

Le bâtiment que vous admirez le plus dans le monde?

Le 19M, évidemment! J’ai l’immense chance d’y travailler. Un lieu créé par Rudy Ricciotti où la lumière et l’espace favorisent l’accomplissement des gestes des artisans d’art, le partage entre les différents métiers et la transmission auprès des jeunes générations.

Vos maîtres en design et en décoration intérieure?

Jean Royère, Axel Vervoordt et Laurids Gallée.

L’œuvre artistique qui pourrait vous faire pleurer?

Theodora de Haendel, et plus particulièrement le duo «To thee, thou glorious son of worth…», autant pour la musique – sublime! – que pour le message du don de soi par amour.

Un compositeur qui accompagne votre vie?

Bach, la musique de tous les refuges.

Une mise en scène qui vous a fait chavirer?

En juin dernier, L’Olimpiade de Vivaldi, mise en scène d’Emmanuel Daumas, au Théâtre des Champs-Élysées.

Un jeune artiste que vous suivez?

L’artiste-peintre Rakajoo, mais aussi Lea Desandre, mezzo-soprano, Thomas Dunford, luthiste et chef d’orchestre, Pierre de Maere, auteur-compositeur-interprète.

Vos réalisations pour lesquelles vous avez le plus de tendresse?

Tous les corsets Givenchy Haute Couture que j’ai eu le bonheur de faire pour Alexander McQueen. L’an dernier, la création des costumes et de la scénographie de l’opéra Zémire et Azor de Grétry (qui reprend le conte de La Belle et la Bête) à l’Opéra-Comique, en particulier la robe de la Belle, toute constellée de broderies Lesage.

Et celle dont vous êtes le plus fier?

La fierté n’est pas mon carburant… Je dirais plutôt le bonheur d’avoir participé en 2015, avec Karl Lagerfeld et Virginie Viard, à la création de tailleurs Chanel, en fabrication additive grâce à des imprimantes 3D et entièrement rebrodés à la main. La tradition associée à l’innovation.

Exposition «Lesage, 100 ans de mode et de décoration», à la Galerie du 19M, 2, place Skanderbeg, Paris 19^e, du 26 septembre 2024 au 5 janvier 2025.