Germaine Tillion et Jacques Lebon, la grande résistante et le collabo énamouré

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Germaine Tillion, vers 1941.

Ils auraient formé un si beau couple. Elle, la jeune femme joyeuse, intellectuelle et sportive à la fois, sympathique, avec de grands yeux gris vert. Lui, le polyglotte au teint bronzé, adepte de boxe, de natation et de patin à glace. Elle, déjà ethnologue. Lui, étudiant à la Sorbonne et pigiste au quotidien Paris-Soir, en attendant de devenir vétérinaire. L’amie des humains et celui des bêtes. L’élève de l’anthropologue Marcel Mauss et le joueur d’échecs.

Ils auraient pu former un très beau couple, ces deux passionnés de voyage ayant tous les deux séjourné en Allemagne dans les années 1930. Dans les lettres qu’il lui envoie pendant cette période, il la vouvoie, comme c’est de coutume dans la bourgeoisie de l’époque, mais ne cache pas son affection : « Je pense beaucoup à vous. Par sympathie, par envie, par autre chose peut-être », glisse-t-il dans une missive d’avril 1940. « Croyez en moi chère Germaine », signe-t-il, ou encore : « Je suis là pour vous. » Ces messages, elle les a gardés toute sa vie.

Germaine Tillion et Jacques Lebon, pourtant, n’ont jamais uni leurs destins. Dans sa biographie parue fin mai, Germaine Tillion. Une certaine idée de la Résistance (Perrin), l’historienne Lorraine de Meaux lève un coin du voile sur la vie sentimentale de cette femme lumineuse et éternelle célibataire décédée en 2008, que François Hollande a fait entrer au Panthéon en 2015. Pour la première fois, elle évoque l’existence d’un amoureux, Jacques Lebon. Dans les archives laissées par Germaine Tillion, les traces de cet homme disparaissent cependant en 1940, et « on ne sait ce qu’il est devenu », écrit Lorraine de Meaux. L’étude de divers documents d’époque apporte des réponses. Et révèle une tout autre histoire. Non pas une love story, mais une bifurcation.

Tandis que la spécialiste de l’Algérie devient une figure de la Résistance avant d’être déportée à Ravensbrück en octobre 1943, son amour de jeunesse s’enfonce dans la collaboration avec l’occupant allemand. L’étudiant aux cheveux noirs frisés se mue en un collabo dont les actes seront jugés suffisamment graves pour qu’il soit condamné à cinq ans de prison ferme à la Libération. Germaine Tillion le disait à ses amis : la vie se joue parfois à peu de choses, comme une pièce lancée en l’air. Pile, vous êtes un héros. Face, une canaille. Parfois un peu des deux. Surtout dans une période aussi troublée que l’Occupation.

« Ils se retrouvent quotidiennement »

Germaine Tillion et Jacques Lebon se sont probablement rencontrés à Saint-Maur-des-Fossés, cette commune de la banlieue ­parisienne où ils sont nés, elle en 1907, lui en 1912. Dans cette ville lovée dans la dernière boucle formée par la Marne avant qu’elle ne se jette dans la Seine, ils se connaissent au moins depuis 1934. Cette année-là, ils font de la voile sur la Marne, passent ensemble des journées entières, assistent au match de boxe entre Emile Pladner et Young Perez au stade Roland-Garros, rapporte Lorraine de Meaux, en s’appuyant sur les agendas de Germaine Tillion. Dans les jours qui précèdent le premier départ de la jeune ­ethnologue pour l’Algérie en 1935, « ils se retrouvent quotidiennement », précise-t-elle.

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