Fashion Week de Paris : l’art d’être singulier

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À Paris, péplum spectral et cuir ultra-désirable chez Rick Owens. Best of et mieux encore chez Loewe où Jonathan Anderson fait l’unanimité.

«Le chaman de Rick Owens a assuré », plaisante un invité du défilé en s’asseyant sur l’esplanade du Palais de Tokyo. Il a plu non-stop toute la journée de jeudi mais, miraculeusement, le soleil fait son apparition au-dessus de nos têtes. Si de grandes maisons ont déjà, dit-on, payé des fortunes un chaman pour s’assurer d’une bonne météo lors de shows en plein air, on doute que ce soit le cas chez Owens. En revanche, perchés sur les ailes du bâtiment, des oracles en cape noire jettent des pétales… Dans ce décor de péplum plus vrai que nature – l’architecture Art déco, les colonnes du péristyle, les magnifiques bas-reliefs -, les fans du créateur californien sont quasiment en transe… Entre Freaks de Tod Browning et superproduction à la Cecil B. DeMille, les créatures de toutes tailles et morphologies (dont beaucoup d’étudiants et de professeurs d’écoles de mode), s’avancent comme sous influence avec leurs lentilles de contact noires, la démarche étrange dans leurs bottes gonflées dont une est tenue par une attelle. Elles frôlent le sol, lentement, remontent l’ourlet de leur robe entravée pour descendre les marches, et font le tour du miroir d’eau dans une parade lancinante accentuée par la bande-son – le wagnérien Tristan et Isolde. «La collection s’appelle Hollywood, d’après le boulevard du vice vers lequel je courais allègrement pour trouver mes semblables, les bizarres et les monstres… Je vivais dans un monde décrit par Lou Reed dans Walk on the Wild Side… Je cherchais les créatures flamboyantes que j’avais vues filmées par Jack Smith et Kenneth Anger… ou Ken Russel, écrit Owens dans un texte envoyé aux invités. Je fais toujours référence au Hollywood perdu des épopées bibliques en noir et blanc d’avant le code Hays, mélangeant Art déco, péchés obscurs et moralité rédemptrice. »

Défilé printemps-été 2025 Rick Owens.
WWD via Getty Images

Toujours indépendant, Rick Owens n’a pas besoin de faire défiler des sacs et des jeans pour faire marcher la boutique. Il préfère théâtraliser son métier, même si l’on repère aussi des pièces extraordinaires en denim à la peinture craquelée, des blousons de motard, des robes en mérinos démaillé gris poussière (signées par la Slovène Tanja Vidic « qui réalise les tricots DIY les plus imaginatifs que j’ai jamais vus »). Ou encore, ce très beau fourreau sirène en cuir façon python évoquant le travail d’Azzedine Alaïa dont, à bien des égards, il est l’héritier.

Une bague gravée Loewe 1846 en guise d’invitation, un cénacle baigné de lumière comme podium, l’iris de l’œil qui se dilate lorsqu’on entre dans une pièce sombre pour point de départ de sa collection… Le cercle, donc. Au château de Vincennes, vendredi matin, Jonathan Anderson a convoqué la communauté de l’anneau : ses pairs designers (Pharrell Williams chez Louis Vuitton, Kris Van Assche, Nicolas di Felice de Courrèges, Sarah Burton fraîchement arrivée chez Givenchy, Pieter Mulier d’Alaïa, Adrian Appiolaza de Moschino) mais aussi nombre de PDG du groupe, ainsi que Delphine et Hélène Arnault. Le natif d’Irlande du Nord est décidément le darling de LVMH…

Défilé printems-été 2025 Loewe.
PASCAL LE SEGRETAIN/Getty Images via AFP

Après onze ans chez Loewe d’explorations conceptuelles mais aussi de succès commerciaux (ce qui explique son statut actuel d’enfant chéri), Anderson semble se retourner sur ce qu’il a déjà fait, avec plus de maturité et de légèreté. À l’image de ses robes en georgette imprimée dont le volume est créé par des cercles de fil métallique. « Ces pièces sont nées de vêtements américains d’avant la guerre, trouvés en vintage, qui ressemblent à des armures un peu grotesques. Je me suis demandé ce qui se passerait si on les réduisait à une ligne de fil. Le tissu très très fin enveloppe en tension les baleines de métal, donnant ces corps qui ont l’air de flotter », explique-t-il tel un chercheur obsédé qui ne serait pas sorti depuis longtemps de son atelier, réinventant la robe d’été, anti-nunuche, mais d’une grande douceur dans les imprimés.

Ce classicisme revisité fait écho aux tee-shirts de rock stars qui, passés à la moulinette Anderson, deviennent de sublimes pièces brodées de plumes peintes des portraits de Chopin et Mozart façon posters souvenirs. « Il y a tellement de monde devant les chefs-d’œuvre qu’on finit par surtout connaître les affiches vendues dans les bou tiques de musée, j’aime cette idée de “l’art touristique”. » Il utilise également les reproductions des Iris et des Tournesols de Van Gogh, deux toiles qui ont déjà inspiré à Yves Saint Laurent de légendaires vestes haute couture en 1988. Risqué ? Pourtant, le talent fou d’Anderson est qu’il tient la comparaison tant ce détournement est intelligent, désirable, incroyablement bien exécuté. Ou comment rendre le savoir-faire cool…

La saison compte aussi des richelieus à la pointe très allongée, curieux mais qui donnent envie, des vestes en cuir à l’ourlet se relevant comme si l’air s’était engouffré dedans, des robes de lolitas en paillettes luisantes mandarine, des pantalons baggy en plumes camouflage et des pantalons droits mais légèrement vrillés, et bien sûr, des sacs en cuir coulissé, au format moyen et chic discret. Le premier cercle (littéralement) des invités se lève d’un seul homme lorsque Jonathan Anderson apparaît. Un peu plus tard, il parle devant les journalistes de ce fameux anneau envoyé à tous les invités : « Parce que vous êtes marié à Loewe ! », lui lance-t-on. « Tout à fait », répond de son sourire énigmatique le designer que l’on dit promis à de plus grandes maisons encore chez LVMH.



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