Euro 2024 : les choix de Deschamps et la frustration des remplaçants

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Du haut de ses dix compétitions internationales disputées comme joueur puis sélectionneur, Didier Deschamps le sait mieux que quiconque : un Euro ou une Coupe du monde ne se remporte pas uniquement sur le terrain. Derrière la façade des onze titulaires se trouvent d’autres joueurs, et tous forment un collectif dont la solidité – dans l’esprit du sélectionneur – est une des conditions primordiales du succès. « La réussite du coach, c’est le groupe qu’il arrive à construire, du staff aux joueurs », appuie Antoine Griezmann.

Après un mois de vie commune, dont deux semaines et demie dans le camp de base de Bad Lippspringe, la symbiose souhaitée par le sélectionneur n’apparaît pas encore évidente aux yeux des observateurs. La faute à des résultats décevants lors de la phase de poules. Avant d’affronter la Belgique en huitièmes de finale, lundi 1er juillet à 18 heures à Düsseldorf, Didier Deschamps n’a pas offert du temps de jeu au plus grand nombre, comme il aime le faire dans la gestion de son groupe.

Quand tout se déroule sans accroc et que le troisième match de la phase de poules revêt moins d’enjeux, le Basque a l’occasion de lancer ses remplaçants lors de la dernière rencontre. Ce match dit des « coiffeurs » ne s’est jamais conclu par une victoire sous l’ère Deschamps, mais il a le mérite d’impliquer des joueurs conscients qu’ils passeront a priori plus de temps sur le banc de touche que sur la pelouse d’ici la fin du tournoi.

Lors de la Coupe du monde au Qatar, à l’issue de la phase de groupes, 24 des 25 Bleus avaient au moins disputé un match ; seul le troisième gardien dans la hiérarchie, Alphonse Areola, n’avait pas joué de la compétition. En Allemagne, Deschamps a non seulement fait peu de changements lors des trois premiers actes, mais il a également été contraint d’aligner sa meilleure équipe face à la Pologne, mardi, pour tenter – en vain – de terminer premier du groupe D.

Performances décevantes

Avant le rendez-vous face à la Belgique, sept joueurs n’ont pas encore disputé la moindre minute, quand les remplaçants entrés en cours de jeu ont dû se contenter de miettes. Une situation loin d’être idéale lors d’une compétition de plusieurs semaines. « Quand on joue au football, c’est long d’attendre », dit en souriant Benjamin Pavard, qui avait appris à être patient lors du Mondial 2022, en débutant comme titulaire avant d’être relégué sur le banc.

« J’étais triste, forcément. Mais je n’ai pas voulu mettre de mauvaise ambiance dans le groupe, donc j’ai gardé le sourire. Le collectif est le plus important », confiait-il au Monde avant le début de l’Euro. Un discours positif tenu par l’ensemble des remplaçants interrogés ces derniers jours. « On doit tout donner, peu importe le temps de jeu. L’important, c’est de connaître son rôle, de faire le maximum et de ne pas avoir d’états d’âme », affirme Kingsley Coman, qui dispute sa quatrième compétition avec les Bleus, jamais avec le statut de titulaire.

Même si les signaux d’alerte ne clignotent pas dans tous les sens, le staff reste attentif à plusieurs motifs de frustration qui ont pu émerger ces derniers jours. Au regard des performances décevantes des Bleus, certaines doublures peuvent s’interroger sur leur rôle. « Bien sûr qu’il a envie de jouer. Ce n’est pas évident mais il s’accroche et se tient prêt », assure le proche d’un joueur pour le moment cantonné au banc.

Certains cas paraissent plus sensibles que d’autres. Que pense vraiment, en son for intérieur, Antoine Griezmann, habitué à disputer des matchs à enjeux, mais qui a subi une forme de déclassement en n’étant pas titularisé contre la Pologne ? Comment Ferland Mendy, titulaire au Real Madrid, vit-il d’être abonné au banc de touche ? Perçu comme un nouveau cadre de l’équipe de France avant l’Euro, Ibrahima Konaté a, lui, perdu sa place au profit de William Saliba en défense centrale. Pour Warren Zaïre-Emery aussi, prodige de 18 ans qui n’a pas l’habitude d’attendre, le temps peut paraître long.

Didier Deschamps et son staff s’attachent à prévenir toute implosion du groupe bleu. Si les grandes sélections fonctionnent souvent avec plusieurs entraîneurs spécifiques, le Basque a fait le choix de s’entourer d’une garde rapprochée composée de trois hommes seulement : Guy Stéphan, son adjoint, Franck Raviot, l’entraîneur des gardiens, et Cyril Moine, le préparateur physique. Une organisation minimaliste que Deschamps privilégie afin d’optimiser la transmission d’informations.

A eux quatre, ils sont chargés « de garder tous les joueurs concernés », explique Didier Deschamps, « parce qu’une grande compétition, c’est avant tout une aventure humaine ». Pour que les remplaçants n’aient pas la sensation de devenir des laissés-pour-compte, « on échange avec les joueurs à différents moments de la journée. On les rassure, on répond à leurs interrogations, explique Cyril Moine. On n’est pas simplement là pour mettre des plots sur le terrain [à l’entraînement] et donner des coups de sifflet ».

« Tout le monde tire dans le même sens »

Si certaines sélections ont recours à des préparateurs mentaux pour effectuer ce travail, Didier Deschamps considère que c’est de son ressort et de celui de ses fidèles associés. « On n’a pas la prétention d’effacer la déception des joueurs quand il y en a. Mais on pense qu’on a la capacité de leur faire surmonter cette déception », juge Guy Stéphan. Même si la tâche s’est corsée pour ce staff restreint depuis que l’UEFA a donné aux sélections la possibilité de convoquer 26 joueurs lors d’une compétition (Deschamps en a sélectionné 25 pour cet Euro), contre 23 auparavant.

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Des ego supplémentaires à ménager, ce n’est pas rien quand les résultats ne sont pas aussi bons qu’espéré et que les sujets parallèles peuvent peser sur l’atmosphère régnant au camp de base : les élections législatives, le nez fracturé de Kylian Mbappé, les déplacements chaotiques en Allemagne. « Dans un groupe, il y a deux forces, expose Guy Stéphan. Celle des joueurs et celle du staff. Les deux doivent tendre vers le même objectif. A l’intérieur de ces deux forces, il peut y avoir des états d’âme, mais il faut réussir à avancer malgré tout. »

Lors de cette première partie d’Euro, ces deux entités semblent moins s’épanouir qu’à la Coupe du monde au Qatar, où la bonne ambiance était louée quasi quotidiennement par les joueurs. « Il y a un peu de frustration, mais pas de quoi tuer le groupe. Tout le monde tire dans le même sens », assure un intime d’un Tricolore expérimenté. « Ceux qui jouent moins peuvent avoir l’impression d’être à l’écart, mais ce n’est pas le cas ici », indique Jonathan Clauss, qui n’a pas encore joué lors de ce tournoi.

Comme ses coéquipiers, le latéral de l’Olympique de Marseille a pu profiter de la visite de ses proches au camp de base après le match contre la Pologne. Une parenthèse jugée essentielle par le staff des Bleus, notamment pour atténuer certaines frustrations, avant d’entrer dans la phase finale de la compétition. « Les joueurs qui ont moins joué, on peut en avoir besoin à un moment donné. Il faut qu’ils soient contents d’être là. C’est ça, la vie de groupe », conclut Guy Stéphan. Une donnée essentielle car personne n’a oublié que, au Qatar, c’est du banc des remplaçants qu’est venue la révolte en finale de la Coupe du monde.

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