« Enquête au Vatican : le pape et le diable », sur Histoire TV : Pie XII face à Hitler, un duel vertigineux et ambigu

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HISTOIRE TV – JEUDI 12 SEPTEMBRE À 20 H 50 ET À 21 H 40 – SÉRIE DOCUMENTAIRE

C’est un des endroits les plus secrets du monde, et il excite plus qu’aucun autre les imaginaires. A l’abri derrière les hauts murs séparant la cité du Vatican du reste du monde, les Archives apostoliques du Saint-Siège ne recherchent pas la lumière, loin de là. Les demandes d’entretien sont rarement prises en compte et les rapports avec la presse sont d’ordinaire empreints d’une solide défiance, à la fois courtoise et ferme.

Les auteurs de la série documentaire en quatre volets Enquête au Vatican. Le pape et le diable, ne semblent pas s’être heurtés à cet obstacle. Au contraire, ils ont joui d’un large accès à ces lieux, ainsi que de la possibilité d’interroger le préfet chargé des archives apostoliques, Mgr Sergio Pagano, qui contrôle d’une main de fer les accès au saint des saints. Peut-être cela aura-t-il eu pour conséquence de contraindre quelque peu leur propos… Toujours est-il qu’ils épousent, au long de ces quatre épisodes, une ligne plus que compatible avec les vues du Saint-Siège.

Il faut dire que le sujet de ces films est d’une importance cruciale. Il s’agit, en effet, d’évoquer l’attitude très controversée d’Eugenio Pacelli (1876-1958), devenu pape sous le nom de Pie XII en 1939, à la veille du déclenchement du second conflit mondial, face au nazisme, et plus précisément face à la Shoah. En cherchant à préserver une neutralité de façade, sans condamner ouvertement le génocide des juifs, le pontife a-t-il failli ? A-t-il, au contraire, permis de sauver, en secret, des milliers de vies humaines ?

Une « guerre secrète »

De grands intellectuels catholiques comme François Mauriac ou Jacques Maritain, qu’on ne soupçonnera pas d’antipapisme, ont, en leur temps, fait part de leur trouble et de leurs regrets. La polémique rebondira en 1963 avec la pièce de théâtre Le Vicaire, du dramaturge allemand Rolf Hochhuth (adaptée au cinéma dans Amen par Costa-Gavras en 2002), qui affirmera de façon peu nuancée la volonté du Vatican de ne pas dénoncer l’horreur en cours.

Face à cette question vertigineuse, qui pousse à formuler les choses d’une façon bien peu scientifique, les historiens sont désarmés. D’autant plus que les archives du Vatican n’offrent, dans les millions de documents d’époque mis à la disposition des chercheurs, aucune preuve irréfutable.

Mais la série documentaire, elle, ne montre rien de ces hésitations. Au contraire, elle entend faire de Pie XII une figure lumineuse opposée à un Hitler devenu « le diable », justifiant ses silences par une « réserve » nécessaire aux actions de sauvetage clandestines en cours.

Ainsi, l’affrontement avec Hitler devient une « guerre secrète entre le bien et le mal » opposant deux individus dans une ambiance flirtant parfois avec le roman d’espionnage. « Penser qu’Hitler pourrait s’arrêter juste parce qu’un pape l’avait condamné, c’est ne pas avoir le sens des réalités. Agir sans parler était peut-être une meilleure option », résume l’historien italien Matteo Luigi Napolitano. Ainsi, de loin en loin, le fait que le Vatican reste muet deviendrait presque la preuve ultime qu’il se serait démené en coulisses…

Antijudaïsme chrétien pluriséculaire

Loin de rendre les choses plus intelligibles, le fait de résumer l’affaire à un affrontement entre deux hommes tend en réalité à tout obscurcir. Sans faire état des tiraillements internes à l’Eglise, et plus encore de la persistance d’un antijudaïsme chrétien pluriséculaire, comment expliquer la séduction qu’a pu opérer l’antisémitisme nazi sur nombre de chrétiens, y compris au sein du clergé ? De même, sans rappeler les persécutions qui ont suivi la révolution russe et l’avènement de l’URSS, comment expliquer que le Vatican ait eu tant de mal à choisir un camp ?

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A coup de « révélations » et de documents montrés « pour la première fois », les auteurs ont cherché à démontrer l’ampleur du travail accompli en sous-main par le Vatican, au point de vouloir en faire l’opposant numéro un, en Europe, à la barbarie nazie. Quant au silence persistant de Pie XII – qui, plus dérangeant encore, se prolongera après-guerre −, celui-ci est justifié avec des arguments flirtant parfois avec le relativisme. « Pourquoi le Vatican aurait-il dû prendre position [contre le nazisme] alors que d’autres, comme le premier ministre britannique Chamberlain, sont restés muets ? », interroge ainsi l’historien Frank McDonough.

Peut-être parce que le Vatican n’a pas renoncé au projet de canoniser un jour Pie XII, et que personne, au Royaume-Uni, n’a encore émis l’idée de faire de Lord Chamberlain un saint.

Enquête au Vatican : le pape et le diable, série documentaire réalisée par Max Serio (EU, 2023, 4 × 50 min). Diffusée sur Histoire TV et disponible à la demande sur MyCanal.

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