En Inde, la victoire étriquée de Narendra Modi

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Certaines victoires ont un goût amer, le premier ministre indien, Narendra Modi, en a fait l’expérience au terme du tour de force démocratique qu’a constitué l’organisation des élections législatives auxquelles étaient invités à participer 970 millions d’électeurs. Les premiers résultats communiqués mardi 4 juin sont en effet bien loin de ses attentes et de celles de sa formation, le Bharatiya Janata Party (BJP), en net recul par rapport aux scrutins de 2014 et de 2019 qui les avaient solidement installés au pouvoir.

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Pour s’y maintenir, le premier ministre sortant, privé de majorité, sera contraint de nouer des alliances avec des partis régionaux, désormais en position de force. Le temps du règne absolu du nationaliste hindou et du BJP est révolu et c’est salutaire pour la démocratie indienne, qui a fait la preuve de sa résilience dans les urnes.

En dix ans, Narendra Modi a certes transformé l’Inde et fait de son pays un incontournable acteur international, mais il a aussi fait souffler un vent nauséabond sur cette nation continent née après l’indépendance, en 1947, sur la promesse de faire vivre ensemble et de traiter également tous les citoyens sans distinction de race, de religion et de caste. Le premier ministre a trahi le vœu des pères fondateurs, dans son obsession d’imposer une suprématie hindoue aux dépens des minorités religieuses, musulmane et chrétienne, devenues les épouvantails du pouvoir.

Défis considérables

Narendra Modi espérait que le triomphe électoral auquel il s’attendait lui permette d’aller encore plus loin et de transformer l’Inde laïque en nation hindoue, comme le Pakistan voisin, né d’une partition douloureuse, est devenu une république islamique. Le candidat avait demandé à ces concitoyens de lui offrir quatre cents sièges, afin d’être en mesure de modifier la Constitution, un texte sacré pour une grande partie des Indiens. Leur refus, signifié par leurs bulletins de vote, est sans ambiguïté : il n’en a obtenu qu’un peu plus de la moitié.

Cette victoire étriquée a des allures de défaite personnelle pour un premier ministre qui s’était considérablement impliqué dans la campagne et qui se pensait invincible, se présentant même comme l’envoyé de Dieu. Narendra Modi a multiplié les mauvais calculs. Il a ainsi pensé que l’ouverture du temple dédié au dieu Ram, à Ayodhya, dans l’Uttar Pradesh, inauguré en grande pompe le 22 janvier, assurerait automatiquement sa réélection. Mais le BJP a perdu à la fois dans la circonscription d’Ayodhya et dans l’Etat abritant la ville sainte. Etat qui est la clé d’un triomphe à la Lok Sabha, la Chambre basse du Parlement indien.

Les résultats rétablissent au contraire une forme d’équilibre entre le gouvernement et l’opposition, harcelée par les agences gouvernementales lancées à ses trousses. Un coup de frein est donné à une dégradation de la démocratie, à une dérive vers un régime autoritaire ne respectant ni la séparation des pouvoirs ni l’indépendance de la justice et des contrepoids comme la presse.

Ce résultat en demi-teinte fait entrer l’Inde dans une période d’instabilité. Les coalitions seront fragiles et rendront les gouvernements vulnérables, alors que le pays le plus peuplé au monde doit relever des défis considérables : le chômage de masse, la détresse paysanne, la sous-industrialisation, la dégradation de l’environnement. Autant de défis pour une troisième puissance économique mondiale restée profondément inégalitaire dont Narendra Modi n’a dit mot pendant la campagne.

Le Monde

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