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Élection présidentielle en Tunisie : défis politiques et garde-fous économiques – Kapitalis

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Une bonne nouvelle fort rassurante: les Tunisiennes et Tunisiens sont officiellement invités aux urnes, le 6 octobre, pour élire le quatrième président de l’ère du post-2011 (après la destitution dans le sang du dictateur Ben Ali). 93 jours et une saison estivale caniculaire nous séparent de cette échéance vitale pour ce qui reste de l’«aventure démocratique». Ces élections présidentielles vont ajouter une autre couche d’incertitude et de complexité à la «démocratie en Tunisie». Et pour cause, il faut parler des vrais défis et placer les «garde-fous» pour éviter le pire!

Moktar Lamari

 

Une élection présidentielle est un moment fort des processus démocratiques. C’est aussi un moment pour confronter des candidats et des programmes, notamment économiques. L’électeur se doit de choisir l’homme ou la femme les plus indiqués pour le contexte, et le meilleur programme économique pour sortir le pays d’un marasme qui perdure. Et dans ce cadre, on peut résumer les défis à relever en dix mots clefs…

1- Apaisement. Actuellement, le principal défi concerne le «lissage» des préparatifs et des préalables à des élections dignes de cette appellation. La Tunisie doit impérativement favoriser l’apaisement pour mobiliser les électeurs et fédérer un pays fracturé et économiquement à genoux. La Tunisie d’aujourd’hui est divisée, fatiguée de ses élites. Très déçue de tous ces partis et «opportunistes» assoiffés par le pouvoir (pour le pouvoir) et qui n’ont jamais géré ou eu des expériences politiques probantes, avec des positions et des réalisations à mettre à leur actif. Cela dit, et dans ces préalables, on ne doit pas diaboliser ses adversaires politiques, sans preuve hors de tout doute.

2- Légitimité. Plusieurs personnalités potentiellement candidates à ces élections sont actuellement en prison ou poursuivies par la justice. Certaines ont souillé la Tunisie par tous ces djihadistes qu’ils ont envoyés se faire exploser en Syrie, en Irak ou en Libye voisine. Certaines autres sont suspectés de corruption dans leur gestion des deniers publics. Mais on ne peut pas mettre tout le monde dans le même sac, et la justice doit dire rapidement son juste verdict. Les innocents méritent leur place sur les listes des candidats et des candidates. C’est une question de légitimité pour l’histoire et pour la réhabilitation de la confiance des citoyens.

3- Compétition. Une élection présidentielle libre est attendue, avec une campagne électorale concurrentielle, sans magouilles ou manigances institutionnelles ou sécuritaires. La Tunisie mérite, une élection qui permet aux électeurs de s’informer, de choisir et de distinguer entre des programmes et des projets clairs, différents dont le contenu est chiffré économiquement (ressources et résultats) et crédible au niveau de la faisabilité de ses ambitions. Tous les candidats doivent avoir un programme économique et social limpide, qui le distingue et qui les engage.

4- Pragmatisme. Une des raisons des échecs des élections précédentes (présidentielles et législatives) a trait à l’absence de programmes économiques (chiffrés et distinctifs) chez les partis et les candidats. En démocratie, les élections constituent un moment clef dans les choix collectifs et les priorités publiques à l’échelle des nations. Les élections, ce n’est pas juste un rituel, ce n’est pas de simples formalités et encore moins des «apparences» pour accéder ou se maintenir au pouvoir. Mériter la confiance des élections présidentielles, c’est pour faire changer les choses, réformer et afficher une stratégie détaillée, faisable et pas seulement des vœux pieux, comme pour les précédentes élections.

5- Évaluation. Les partis et les élites ayant exercé le pouvoir politique depuis 2011 doivent se représenter avec une évaluation et probablement, le cas échéant, un mea culpa. Les électeurs ne croient plus à ces discours verbeux, sans preuve, disant «ce n’est pas moi, c’est les autres». La dette, la récession, le chômage, le pouvoir d’achat qui pique du nez sont documentés par les statiques nationales et on ne peut se débiner pour se défausser sur les autres et s’en laver les mains.

L’évaluation des politiques publiques constitue une discipline reconnue et capable de faire les preuves de ce qui n’a pas fonctionné, et ce qu’on n’a pas fait pour changer. Notamment pour arranger le statu quo et éviter les foudres des lobbyistes financiers, politiques, entre autres.

6- Abnégation. En plus de 4 présidents, plus de 700 ministres, une dizaine de chefs de gouvernements et un millier de députés ont gouverné depuis 2011. Pour un bilan économique déplorable, avec une perte du pouvoir d’achat de presque 50% depuis 2011. Ces élus ont globalement raté leur passage au sein de l’État (sauf de rares exceptions), faute d’engagements, de compétence et d’abnégation. En privilégiant, souvent, les intérêts de leur parti, ou leur intérêt personnel, au détriment des intérêts de la collectivité, on connait le résultat : une économie de plus en plus laissée pour compte, et sacrifiée dans les courses au pouvoir. La Tunisie a besoin d’un président capable de gouverner au-delà des intérêts étroits des lobbyistes et autres calculs politiques de court terme.

7- Valeurs. Les perceptions des citoyens sont très négatives à l’égard des leaders politiques et de ces radios et télévisions gangrénées par la corruption et les collusions. Trois électeurs sur quatre ne font pas confiance (totalement ou partiellement) aux leaders politiques et aux médias. Ces chiffres sont donnés par les différents sondages menés par World Value Survey (WVS, institution américaine). La sélection des candidats aux élections présidentielles doit être intraitable à l’égard des candidats des partis corrompus, ou jugés pour infractions, délits ou autres écarts aux normes et valeurs de probité et de rectitude politique. La probité doit dominer toutes les valeurs éthiques quand il est question de gouverner un pays et une nation fatiguée par les instabilités au pouvoir au sommet de l’État.

8- Leadership. Accéder au pouvoir suprême, faire de la politique, c’est vouloir changer et améliorer le bien-être collectif. Le pouvoir est souvent perçu en Tunisie comme moyen pour se remplir les poches, servir les siens et vivre au-dessus des lois. Le pouvoir n’est rien d’autre qu’un contrôle sur les ressources publiques, sur les mécanismes, sur les processus et sur les résultats de l’action collective, publique ou privée. Le tout pour influencer le partage des dividendes et pour, au final, servir un clan de bénéficiaires aux dépens d’un autre clan de perdants.

Postuler au poste du président de la République, c’est aussi disposer de cette étoffe de leader transformationnel, leader mobilisateur (communicant), de leader crédible… pour être un visionnaire capable d’affronter les décisions difficiles, notamment quand il est question des réformes douloureuses, mais incontournables.

9- Électeur médian. En Tunisie et depuis 2011, les élections présidentielles ont toujours été décidées par l’électeur médian. Celui-ci est facilement «manipulable» par les discours verbeux, les promesses fallacieuses et irréalistes et les plans sur la comète.

L’électeur médian est peu scolarisé, plutôt instable dans ses allégeances politiques, issu de la classe moyenne ou déshéritée, incapable de discerner entre le faisable et l’infaisable, entre le vrai et le faux quand on lui parle des politiques gouvernementales et des promesses pouvant directement impacter son bien-être, celui de sa région. Rached Ghannouchi et son parti religieux ont promis de mettre fin à la corruption, en une année de pouvoir, en plus de doubler le pouvoir d’achat en une législature. Beji Caïd Essebsi, et ses économistes allumés, a promis le plein emploi, 7% de taux de croissance par an, et bien d’autres chimères, du type stop and go, pour dire laissez-vous faire pour les flux et reflux des dépenses de l’État, pour avancer et reculer selon les envies et intérêts de ceux qui sont au pouvoir. Aucun progrès économique ne s’est réalisé et le pays n’a fait que plonger dans le chaos sous leur règne et alliances contreproductifs.

Les candidats aux prochaines élections présidentielles doivent arrêter d’abuser de la naïveté de l’électeur médian, et de jouer sur ses fantasmes et ses cordes sensibles, juste pour obtenir son vote et le narguer juste après.

10- Résultats. La Tunisie a besoin d’un président élu démocratiquement, redevable aux citoyens et aux contribuables, avec une reddition de compte et des évaluations de toutes les politiques et résultats ambitionnés. Les promesses électorales doivent se traduire par des actions et s’accompagner de résultats.

Ici, les économistes doivent se prononcer rapidement sur la faisabilité et l’efficacité des programmes économiques affichés par les candidats. Au-delà de la légalité des mesures proposées, il faut livrer des politiques efficaces, faisables et utiles pour améliorer le bien-être collectif.

Le déficit budgétaire, l’endettement, l’inflation et le chômage, la dévaluation du dinar …sont autant de fléaux à considérer explicitement par les candidats et candidates aux prochaines élections présidentielles. Les médias, les élites et les universitaires doivent analyser, investiguer et s’exprimer sur les enjeux de la faisabilité des programmes économiques affichés par chacun des candidats.

* Economiste universitaire.

Blog de l’auteur : Economics for Tunisia, E4T.

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