«Deux voies à explorer» : les conseils d'un sommelier Meilleur Ouvrier de France pour réussir son accord mets et vins

Partager


Lorsque vous recevez des amis pour un repas, le choix du vin est souvent une préoccupation secondaire. Pourtant, il peut sublimer vos plats et enrichir l’expérience gustative. Gaëtan Bouvier, Meilleur Ouvrier de France en sommellerie 2022, partage ses conseils pour choisir les meilleures associations.

Quel vin offrir au moment de passer à table ? Voilà une question délicate. Un flacon mal choisi, et votre repas peut tourner au vinaigre. Au-delà des considérations de goût, il existe quelques règles, que le sommelier Gaëtan Bouvier vous dévoile.

Le Figaro.- Quelles sont les grandes règles pour marier un plat et un vin ? 

Gaëtan Bouvier.- Il est de coutume de dire qu’il existe deux voies à explorer : l’accord de raison, dans lequel les odeurs, les arômes, les saveurs et les textures du mets et du vin se ressembleraient, et l’accord d’opposition, dans lequel on recherche un effet de balancier entre les profils sensoriels. Ce sont deux pistes à étudier lorsqu’on commence l’exercice. Par la suite, on se rend compte qu’un éventail infini de chemins se dessine au fur et à mesure qu’on pratique la discipline. La voie que je préfère est celle qui consiste à goûter le vin en premier puis à tracer les itinéraires techniques de cuisine et les produits dans un second temps. Cela stimule les passionnés de cuisine, qui se trouvent challengés par le vin.

Peut-on se fier à l’accord de couleur vin rouge sur viande rouge, vin blanc sur poisson blanc ?

Si on parle couleur basique, on peut ajouter les vins rosés, clairets, jaunes et orange, et, pour les mutés, grenat, tuilés, ruby, tawny. Ensuite, chaque couleur offre son dégradé. L’ancien cuisinier que je suis a exploré cette piste, allant même jusqu’à s’inspirer de camaïeux réalisés par des peintres. Les neurosciences démontrent que ce que l’on voit conditionne nos sensations organoleptiques. Je reconnais qu’un vin rosé sur du saumon fonctionne très bien. Cela change lorsque le vin est servi dans un verre noir.

Que pensez-vous de l’accord de proximité, comme du sancerre avec un crottin de Chavignol ?

L’origine des produits crée souvent cet effet du goût révélateur d’un territoire. C’est une des approches les plus simples, mais aussi les plus efficaces. Léonard de Vinci disait que la simplicité est la sophistication suprême. Je trouve cette citation inspirante.

Avec un plat en sauce, sur quoi fait-on plutôt l’accord ?

Je pense que la sauce est un élément fédérateur qui fait vivre ensemble les composantes d’une assiette. Elle cimente le plat. De grands chefs comme Yannick Alléno (chef 3 étoiles Michelin au restaurant Pavillon Ledoyen à Paris, ndlr) ont travaillé en profondeur sur le sujet. Dans mon étui de sommelier, j’ai toujours une cuillère à moka pour pouvoir goûter les sauces des chefs avec qui je collabore. Cuisiner un poisson de mer comme un civet et le servir avec un rouge de puissance m’a permis de fidéliser beaucoup de clients.

Pour la sauce, faut-il utiliser un vin de la même couleur, ou de la même provenance, que celui que l’on sert à boire ?

Lorsque l’on exécute l’accord de cette façon, la dissociation des goûts n’arrive presque jamais. Avec Davy Tissot (Meilleur Ouvrier de France en 2004 et Bocuse d’or en 2021, ndlr) et d’autres grands chefs français de différentes générations, nous explorons de temps à autre des oppositions de couleur de vin entre la sauce et le verre.


Gaëtan Bouvier

J’avoue que, quand je goûte un vin, immédiatement l’envie de cuisiner se met en route dans ma tête.

Et le champagne, avec quoi l’accorder ?

Le vin de champagne est le plus beau vin effervescent du monde. Il bénéficie d’un terroir et d’un savoir-faire exceptionnels. En Champagne, le sol, fait de craie, de marne et de calcaire, possède la mémoire de l’eau. Un poisson de mer poché ou avec une cuisson à court-mouillement laisse des traces dans la mémoire de ceux qui s’essaient à cet art. Quand j’entends le pop du bouchon de champagne, cela m’inspire un turbot poché à la turbotière dans un vin clair (vin très acide avant la prise de mousse du champagne), une sauce hollandaise très mousseuse, pour le rappel des bulles, et onctueusement riche en beurre, qui évoque les flaveurs lactées des différentes fermentations. Cette sauce pourrait être twistée avec une goutte de ratafia de champagne rajoutée à cru pour les réminiscences du dosage. Une pointe iodée et fraîchement végétale sophistiquerait l’accord avec des feuilles de jacinthe de mer. J’avoue que, quand je goûte un vin, immédiatement l’envie de cuisiner se met en route dans ma tête.

Un dessert avec un vin muté, est-ce une bonne idée ?

Oui. Cependant, lorsque je sers un vin muté au dessert, j’invite à la mesure, car ces vins, banyuls, muscats fortifiés, pineaux des Charentesportos et autres, ont une puissance éthylique due à l’adjonction d’eau-de-vie. Il suffit de 6 cl, et les persistantes aromatiques de bouche invitent à la patience et à la modération.

Quelles sont les erreurs à éviter ?

Une seule : cuisiner sans penser à ce qui sera bu. La boisson servie pendant le repas restera toujours le dernier ingrédient de la fiche technique. La connaissance des fondamentaux de la cuisine et de l’œnologie est un atout majeur pour constituer des vrais grands accords réellement applicables et qui puissent offrir du plaisir à nos hôtes.

En 2016, Gaëtan Bouvier remporte le 29e concours du Meilleur Sommelier de France.
REMY GABALDA / AFP

Quels sont les produits difficiles à marier avec du vin ? Et quelles seraient les alternatives ?

Les poissons très riches en oméga 3 comme la sardine, la lisette ou le maquereau m’ont donné du fil à retordre. La bière, le cidre, le saké, du côté des boissons alcoolisées, ou les kombuchas, pour ceux qui ne souhaitent pas d’alcool, peuvent être des alternatives pour accompagner ce type de produit. Dans mon milieu, j’ai aussi souvent entendu des sentences, affirmées comme des vérités, selon lesquelles l’asperge, l’œuf, les potages seraient des ennemis des grands accords. Je préfère considérer qu’il s’agit de défis à relever. Et, honnêtement, entre l’immense diversité des vins du monde et les nombreuses possibilités qui existent en cuisine, il y a souvent de multiples solutions gourmandes.

Peut-on faire des accords avec d’autres boissons que le vin ?

Pour les convives qui ne boivent pas d’alcool, le thé est une très bonne solution. Je pratique ce type d’accord depuis plus de 18 ans. Avec cette boisson, les notions de terroir sont assez proches de celles du vin. Là encore, j’ai quelques secrets en cuisine avec mes amis cheffes et chefs pour adapter les préparations culinaires afin qu’elles s’associent au caractère aqueux du thé. Je teste également des accords avec des boissons sans alcool produites par Alain Milliat ou des boissons végétales légèrement gazéifiées de la marque Henri Marie, qui vient de lancer son activité dans l’Ain. Les résultats sont excellents. L’alcool apportant une structure dans un accord mets et vin, l’enjeu est toujours de combler la carence créée. Je considère que celui-ci est souvent comme le faîte d’une charpente qui soutient tout le toit. Pour réaliser des accords, le vin bien architecturé reste quand même la boisson qui possède le plus de qualités multidimensionnelles dans ses équilibres aromatiques, sa pureté, ses saveurs, sa balance alcoolique, ses minéraux, ses fermentations.



#Deux #voies #explorer #les #conseils #d039un #sommelier #Meilleur #Ouvrier #France #pour #réussir #son #accord #mets #vins

Source link

Home

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut