Défilés de Milan : un goût italien pas comme les autres

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Ils ont le même âge, du talent, un beau CV, et quand Sabato De Sarno a la mission de redorer le lustre de Gucci, Matteo Tamburini doit insuffler de la mode et de la féminité chez Tod’s. Verdict sur les podiums milanais ce vendredi.

Les quadragénaires de la mode transalpine sont-ils en voie de changer les contours de leur industrie ? Eux qui sont nés au début des années 1980 en même temps que les grandes sagas du luxe italien des Armani, Versace, Prada et Gucci, sont bel et bien en train de prendre la relève. Ils s’appellent Sabato De Sarno, 41 ans, chez Gucci ; Francesco Risso, 42 ans, chez Marni ; Matteo Tamburini, 42 ans, chez Tod’s. Tous ont déjà une longue expérience dans des studios de marques très établies, tous cultivent une italianité très forte mais s’adressent à des clientes partout dans le monde. On pourrait d’ailleurs y associer Matthieu Blazy, 40 ans, français mais installé à Milan, qui a tout compris de l’âme italienne de la très belle maison Bottega Veneta.

C’est d’ailleurs aux côtés de Blazy que Tamburini a fait ses armes (entre autres sur les pièces en cuir) avant de rejoindre Tod’s il y a six mois. La marque créée par Diego Della Valle à la fin des années 1970 essaie depuis une quinzaine d’années d’imaginer le prêt-à-porter qui irait bien avec son fameux mocassin. Bien des designers se sont succédé et pas un jusqu’ici n’a eu l’heure de convaincre le fondateur qu’il avait trouvé « la » silhouette de « son » Gommino. Mais les choses pourraient changer. Après une première collection (automne-hiver 2025) très bien accueillie par la critique, Tamburini persiste et signe avec ce second show pour l’été prochain.

Défilé printemps-été Tod’s
Tod’s

Comme très souvent chez Tod’s, les invités sont accueillis par des artisans (ici, en plein montage du Gommino debout derrière de longues tables d’atelier). « La mano », « la main », dans le sens « savoir-faire », c’est le message que martèle la marque. D’ailleurs une main, cette fois monumentale (une sculpture de Lorenzo Quinn), plante le décor du podium. « L’Italie l’été, le goût italien, une approche plus relax des formes et des matières », résume Tamburini, juste avant le défilé. Devant une presse transalpine conquise, il évoque ses inspirations : le savoir-faire, la voile, le Giro, la côte méditerranéenne… Effectivement, le coton d’un trench-coat claque au vent, les filles ont enfilé sous leur chemise un short cycliste digne de Pogacar, et le Gommino est de la partie en cuir souple chaussant le pied comme un gant… Mais plus que les références, c’est l’esprit de cette collection qui nous intéresse. Cette féminité complexe, sensuelle et intellectuelle dont Phoebe Philo a été le chantre chez Céline au début des années 2010, que l’on retrouve chez Bottega Veneta ou même chez Lemaire en France. Il y a cette touche exotique dans les manteaux légers et craquants qui se drapent sur le côté à la Anne-Marie Beretta. Et dans les cabas origami très réussis, déclinés en cuir grainé façon autruche ou lisse, en rouge laqué, vert anglais, taupe, mastic, etc. Dans ce vestiaire très chic, les pantalons à pli façon Sta Prest côtoient les blouses à rayures matelas, les vestes chinées un peu vintage, les manteaux à forme sablier en cuir… Le cuir, matière de prédilection de la maison, est ici en jaune beurre frais sur une parka, en vert pour une longue robe à plis, ou en brun moka pour un tee-shirt de luxe XXL. Tamburini parvient avec diplomatie et talent à donner de la mode et de l’attitude féminine à cette maison classique et plutôt masculine incarnée par la figure de patriarche italien de son fondateur Della Valle. Reste maintenant à produire et commercialiser ces pièces, qu’elles existent dans les boutiques de la marque voire en multimarque à côté des concurrents de la mode. Ce serait un grand pas.

Dans les boutiques Gucci aussi, on aimerait voir plus de pièces de Sabato De Sarno, dont la toute première collection a été commercialisée en mars dernier. Son mocassin à plateforme de la première saison, probablement pas assez produite pour la demande, a été en rupture de stock beaucoup trop rapidement. Aujourd’hui, le nouveau Gucci est bien installé en termes d’images, et a fait place nette après la période très différente esthétiquement d’Alessandro Michele. Pour De Sarno, il s’agit donc d’asseoir ses codes (et en particulier, ses couleurs, le rouge Ancora et le vert anis) tout en donnant plus d’ampleur à la marque. Vendredi, le défilé à la Triennale montre cette ambition. Le long couloir en courbes qui accueille le podium prend des couleurs de coucher de soleil « comme celui que je regardais cet été de l’île de Pantelleria, le plus beau sunset du monde, face à la Tunisie », dit cet amoureux de l’Italie. Tout comme son compatriote Jannik Sinner, n° 1 mondial au classement ATP et ambassadeur Gucci, qui devise tranquillement avec François-Henri Pinault au premier rang.

Défilé printemps-été 2025 Gucci
Luca Bruno/AP

Intitulée « Casual Grandeur », cette troisième collection creuse le même sillon, cette idée d’un certain glamour à porter tous les jours. «Comme cette robe en dentelle vert fluo qui s’enfile aussi facilement qu’un tee-shirt, ou cette autre très soir (brodée de pastilles miroir) qui est légère mais fait beaucoup d’effet. » Casual, donc, ce pantalon de costume d’homme (littéralement puisque décliné de la collection masculine) porté avec des tennis ou ces jeans larges très cool associés à un débardeur gansé de la bande web historique (rouge et verte). Grandeur, pour ces robes de vestale accrochées au cou par un torque bambou… Une référence au sac culte créé par Guccio Gucci en 1947 : en ces temps de pénurie de matières premières, il avait eu l’idée d’utiliser le bambou pour remplacer le cuir de l’anse. Autre legs de Guccio, et sans lequel un show Gucci ne serait pas tout à fait un show Gucci, le mocassin mors (1953) que cette fois, Sabato De Sarno détourne en une botte moulante. «Mon travail consiste à écrire de nouveaux chapitres sur la base de cet héritage, confirme-t-il. Et ma chance est que cette histoire est vaste, et me permet de suivre mes obsessions dans chaque collection, c’est-à-dire le tailoring, la lingerie, le cuir, ou encore l’esprit sixties. » À l’image de ce manteau en raphia vert à l’humeur rétro. Ou de ces ensembles vestes et jupes ballon aux motifs néo-vintage ou en soie hérissée de petits fils comme des accrocs – « cela vient d’un défaut de fabrication qui m’a beaucoup plu et que nous avons finalement développé ». Si l’éclectisme des références et des styles voulus par De Sarno manque de point de vue, les sacs eux sont clairement identifiables, 100 % Gucci, du nouveau sac seau en toile canvas et mors argenté au modèle Bambou en format East-West. Et tous toujours aussi désirables.

Pour le finale, ce fan de pop a choisi le tube de Fiordaliso Non voglio mica la luna (sorti l’année de sa naissance), que tous les Italiens sur les bancs chantent en chœur. Il sort saluer en tee-shirt imprimé dans le dos d’un « Gucci Family, Friends, Teams, Partners, Lovers ».

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