Dans les Cévennes, les protestants à la peine pour enterrer leurs morts à domicile

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« La grogne actuelle vient de l’application bête et stupide de la loi. » Cette déclaration, émise par un pasteur à quelques jours de l’assemblée du Désert, grand rassemblement annuel des protestants dans le sud de la France le premier dimanche de septembre, résume le sentiment général de nombreux habitants des Cévennes. D’Alès au Vigan jusqu’au mont Aigoual (Gard), une colère silencieuse s’étend à mesure que les familles protestantes constatent les difficultés de plus en plus grandes qu’elles rencontrent pour inhumer leurs défunts dans les cimetières privés. L’autorisation donnée à Alain Delon de se faire enterrer dans le jardin de sa propriété n’a fait que raviver ce profond sentiment d’injustice.

Dans cette partie de la France où les temples sont plus nombreux que les églises, le territoire est encore très marqué par la résistance huguenote qui remonte au XVIIe siècle, après la révocation par Louis XIV de l’édit de Nantes. L’interdiction du culte protestant a alors obligé les familles à enterrer leurs morts dans la clandestinité. « Personne ne sait où Jean Calvin est enterré, rappelle le Gardois Jean-Christophe Muller, ancien pasteur. Les familles utilisaient les caves de leur maison en ville ou leur jardin à la campagne, d’où la multitude de petits cimetières dispersés dans les Cévennes. »

Le rite funéraire a traversé les époques. « Cette tradition constitue un élément essentiel de l’identité cévenole et de la mémoire collective, elle est aussi un marqueur de nos paysages », explique Virginie Alloux, deuxième adjointe au maire de L’Estréchure.

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L’inhumation dans un cimetière privé est réglementée par le code général des collectivités territoriales. Il faut notamment obtenir l’attestation du maire assurant que le cimetière existe déjà et se situe à plus de 35 mètres de toute habitation, et l’avis favorable récent d’un hydrogéologue agréé par l’ARS (agence régionale de santé). Son étude doit prouver l’absence de risque de pollution des sources, nappes phréatiques ou forages et prouver le bon entretien du cimetière. Détail qui a son importance : cette dernière ne peut pas se faire avant le décès.

Un « rappel à la loi » en 2021

Jusqu’à récemment, dans le Gard, les familles pouvaient perpétuer leurs pratiques sans trop de restrictions, mais le 25 mai 2021, une lettre de « rappel à la loi » émanant de la préfecture a été adressée aux opérateurs funéraires du département et aux maires. « Et, là, c’est devenu très compliqué. Nous avons le cas d’un homme qui a pu être enterré chez lui en 2018, et cela n’a pas été autorisé pour son épouse en 2022 », témoigne Frédérique Pallet, secrétaire de mairie à L’Estréchure et Saumane, deux communes de la vallée Borgne, qui cite le cas d’une autre habitante souhaitant être inhumée « auprès de son mari et de son fils, mais ce sera certainement impossible ». Le cimetière familial est en effet trop proche des maisons.

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