Daniel Auteuil : «C'est délicieux de travailler avec mes filles, mais j'ai mis du temps à franchir le cap»

Partager


L’acteur réalise son cinquième film, un thriller judiciaire, qui lui permet de travailler avec ses deux filles, Aurore et Nelly.

Interviewer Daniel Auteuil, c’est vérifier cette croyance : les plus grands sont souvent les plus humbles. Malgré cinquante ans de carrière, une quasi-centaine de films et des collaborations inoubliables avec Claude Sautet, André Téchiné ou Nicole Garcia, il est la gentillesse et la simplicité incarnées. Sans triche ni posture. Cette authenticité fait de lui l’un des acteurs les plus respectés du métier, mais aussi un réalisateur à la vision unique. 

Après avoir adapté Marcel Pagnol (La Fille du puisatier, Marius, Fanny) et réalisé une comédie conjugale (Amoureux de ma femme), il s’attaque au film de procès. Adapté d’une histoire vraie, Le Fil met en scène un avocat qui retrouve du sens et renoue avec les affaires criminelles pour défendre un père de famille accusé du meurtre de sa femme. Dans la peau de l’accusé, le colosse fragile Grégory Gadebois. Dans celle du pénaliste, Auteuil lui-même, qui, derrière comme devant la caméra, est à son meilleur.

 »
data-script= »https://static.lefigaro.fr/widget-video/short-ttl/video/index.js »
>

Madame Figaro. Le Fil est produit par Hugo Gélin et votre fille Nelly. Est-ce elle qui vous a apporté le sujet ? 
Daniel Auteuil. – Oui, je n’avais aucune intention de réaliser à nouveau, préférant me concentrer sur mes aventures musicales et mes activités d’acteur. Mais Nelly, qui a été avocate, m’a demandé de lire le blog de Maître Mô. J’ai été fasciné par l’histoire de Nicolas Milik et ce qu’elle véhiculait : la solitude de l’avocat mû par son intime conviction, la détresse d’un homme qui n’a pas les mots pour se défendre, les notions de vérité et de morale qui diffèrent selon les individus… 

Comment était-ce de travailler avec votre fille ? Qui était le patron sur le plateau ? 
C’était Nelly. Et il a fallu que je m’y habitue. (Rires.) Mais j’ai bien fait de l’écouter. Elle et Hugo m’ont notamment mis en lien avec des techniciens de leur génération : ça m’a permis de renouveler mon regard. En revanche, comme c’est le premier film que produit ma fille, je n’avais qu’une peur : me planter et l’entraîner avec moi. J’ai beaucoup douté, jusqu’à ce que je décide de jouer dans le film.

En quoi cela vous a-t-il rassuré ? 
Le jeu a toujours été mon moteur. Être acteur dans mes films me permet d’être au cœur du réacteur, d’avoir un repère, un socle. Quand j’ai vu Claude Berri sur le tournage de Jean de Florette, j’ai compris ceci : peu importe d’où il vient, un réalisateur s’identifie toujours à l’un de ses personnages qui devient son ancrage, sa source d’inspiration. Pour moi qui ai été acteur toute ma vie, cette sensation est décuplée. Et il m’était facile de m’identifier à cet avocat expérimenté, qui, au fond, n’a aucune certitude. Je n’en ai pas plus quand je joue la comédie.

Une cour de justice est un lieu où se jouent des drames absolus et où de grands rôles du répertoire dramatique se sont écrits

Daniel Auteuil

Il y a d’ailleurs des points communs entre un tribunal et une scène de théâtre… 
Les talents d’orateur et la force de conviction, sans doute. Mais, pour moi, la comparaison s’arrête là. Si je me trompe sur scène, aucune vie n’est en jeu. La seule chose que je risque, c’est le trou noir, le ridicule, et, d’expérience, je peux vous dire qu’on s’en remet très bien. Dans un tribunal, une erreur ou une mauvaise prestation… et le type en prend pour vingt ans. La notion de responsabilité n’est pas la même. 

Vous êtes-vous immergé dans le milieu judiciaire pour préparer le film ? 
J’ai assisté à trois jours du procès à huis clos d’un pédophile qui avait violé sa belle-fille entre ses 10 et 13 ans. J’ai été bouleversé par le courage de cette femme qui, aujourd’hui âgée de 40 ans, a un besoin de réparation qui lui permet de tenir debout. J’ai aussi été marqué par l’absence de spectacle dans l’enceinte du tribunal : l’avocat général, la partie civile, la présidente, tous exerçaient leur métier sans effets de manches, avec humanité. C’était très étonnant de constater la simplicité des mots échangés pour évoquer des réalités atroces. C’est ce dont je voulais rendre compte. 

Le film de procès était-il un fantasme de réalisateur ? 
C’est un genre que j’aime. Une cour de justice est un lieu où se jouent des drames absolus et où de grands rôles du répertoire dramatique se sont écrits. Incarner la loi est d’ailleurs un numéro d’équilibriste : il ne faut pas tomber dans le grandiloquent. Quelques films ont réussi à éviter cet écueil : Autopsie d’un meurtre, d’Otto Preminger, La Vérité, d’Henri-Georges Clouzot, Verdict, de Sidney Lumet…

Être acteur dans mes films me permet d’être au cœur du réacteur, d’avoir un repère, un socle

Daniel Auteuil

Comment expliquez-vous l’engouement du public pour les films de procès ou le fait divers ? 
Je ne l’explique pas : j’ai découvert la popularité de ces sujets avec ce film, en constatant qu’il se montait plus facilement que d’autres. Peut-être les spectateurs sont-ils friands de ce type d’histoires parce qu’elles aident à mettre le mal à distance ? Par ailleurs, un tribunal offre une plongée dans tout ce que notre nature a de sombre et d’indicible, et la transgression fascine l’être humain depuis toujours. 

Un mot sur votre fille Aurore, qui joue dans le film. 
J’avais déjà travaillé avec Aurore dans 36 Quai des Orfèvres, et dans Le Malade imaginaire, au théâtre. C’est délicieux de travailler avec mes filles, mais j’ai mis du temps à franchir le cap. Par pudeur, et parce que je craignais que ça ne les desserve d’être associées à moi. Mais Aurore a suffisamment de talent pour que cela ne se produise pas. Nelly aussi, mais on la comparera de toute façon moins à sa mère (Emmanuelle Béart, NDLR) ou à moi, parce qu’elle a choisi d’œuvrer dans l’ombre.

Avec le temps, craignez-vous la raréfaction des rôles ? 
Non, car je ferai autre chose : chanter, réaliser… Malgré mon âge, j’ai la chance que de jeunes cinéastes me sollicitent. Je suis par exemple très fier d’avoir été choisi par Rebecca Zlotowski pour jouer le mari de Jodie Foster dans son prochain film. Peut-être ai-je envoyé les bons signaux en naviguant dans tous les genres, en essayant de décloisonner au maximum. Je ne me suis jamais rien interdit. 

Le Fil, de et avec Daniel Auteuil, Grégory Gadebois… Sortie le 11 septembre.



#Daniel #Auteuil #C039est #délicieux #travailler #avec #mes #filles #mais #j039ai #mis #temps #franchir #cap

Source link

Home

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut