Dandelion: un trésor bistronomique au cœur du village de Charonne

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Dans ce coin de la capitale que ne renierait pas Emily in Paris, un jeune couple, Morgane Souris et Antoine Villard, vient d’ouvrir un restaurant exquis et abordable (ce qui n’est pas antinomique), déjà adoubé par les fines gueules outre-Atlantique, jamais en retard d’une pépite.

Ici, c’est encore Pantruche, avec un réseau d’impasses étroites bordées de maisonnettes retapées, des carcasses d’ateliers, des enseignes patinées, des réverbères qui, au crépuscule, semblent attendre indéfiniment leur allumeur, un square Casque-d’Or. Sur une placette de l’ancien village de Charonne, Morgane Souris et Antoine Villard ont ouvert, le jour de la Fête du travail, leur restaurant. Ils l’ont baptisé Dandelion. Cela signifie «pissenlit» en anglais. C’est aussi le titre d’une chanson méconnue des Rolling Stones et le prénom d’une des innombrables filles du guitaristeKeith Richards. Laquelle, embarrassée par cette idée loufoque jaillie de l’imaginaire fertile de parents qui, si ça se trouve, fumaient aussi despissenlits, se fait désormais appeler Angela.

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Les deux patrons se sont rencontrés par l’entremise d’une amie commune. Lui avait, à l’époque, un projet dans le Sud ; elle cherchait de son côté à ouvrir un établissement à elle. Le Sud ne s’est pas fait ; Morgane n’a pas ouvert ; les deux se sont dit qu’ils pourraient s’associer. C’est un beau roman, c’est une belle histoire, «on a fait un peu trop de réunions», sourit le chef. L’association a pris un tour très intime et, contrairement aux protagonistes de la chanson vintage, ils sont restés tous les deux à Paris.

Les deux patrons se sont rencontrés par l’entremise d’une amie commune.
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Dandelion propose ce que la bistronomie de la capitale a de meilleur. Foin de fanfreluches et d’exaspérants gadgets culinaires. Des assiettes qui ne se poussent pas du col et livrent des produits de belle provenance acoquinés façon collé-serré, de sorte que les combinaisons fonctionnent sans artifice. Qu’on se rassure, il y a de la sauce gourmande, du jus réduit, de la cuisson au cordeau, Antoine sait faire. Il pensait privilégier le poisson et les légumes, et s’est découvert une belle inclination pour les viandes et même les abats. Pas de menu: on mange à la carte. Quatre entrées, autant de plats, deux desserts, à vous de composer votre triolet. Ce n’est pas donné mais les tarifs ne sont pas dissuasifs pour autant, surtout pour des plats de ce niveau, surtout à Paris. Pour ce qui est du liquide, Morgane propose un livre de cave original, plein d’étiquettes que vous ne connaissez sûrement pas (moi non plus), avec un curseur mobile entre le nature, le biodynamique et le «tradi», le tout à des prix abordables.

On commence par des «crevettes des marais crues, sauce gingembre et saté de crevette» (15 euros). Il s’agit de bestioles pêchées dans des marais salants vendéens qui viennent faire don de leur personne sans avoir connu l’outrage de la poêle. Sous leur chair à la mâche et à la sapidité inimitables, Antoine Villard a râpé une pomme de terre mi-crue qui donne du nerf au festival iodé. Un frais bouillon enveloppe les bouchées, dans lequel le saté fait office de concentré de crevette. Quelques feuilles de coriandre par-dessus, comme une poussée de mini-nénuphars, parachèvent cette invitation au voyage vers l’Atlantique ou plus loin. Le thon rouge, aigre-doux de tomate, tagète et framboise (16 euros), également goûté le 3 septembre dernier, constitue un autre tour de force visuel (dressage renversant de splendeur) et gustatif avec l’enchevêtrement virtuose de saveurs marines et florales.

Dandelion propose ce que la bistronomie de la capitale a de meilleur.
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Place au ris de veau à la braise (38 euros, le plat le plus cher de la carte). Un grand moment. La pomme de belle taille est posée sur un court-jus de cuisson et assortie avec un tronçon de chou pointu grillé. L’idée géniale est de n’avoir pas détaillé le légume qui apparaît massif, comme un livre ouvert, légèrement noirci à la flamme, d’où une exquise piqûre d’amertume. Vu de haut, on dirait une sorte de millefeuille déstructuré. Autour de l’assiette court un ruban d’anchoïade, qui apporte à l’apprêt une touche puissante sans rien déséquilibrer. Ris de veau doré, crousti-fondant ; chou bien croquant ; anchois qui sale et décale. Voilà un plat canaille de première classe, finalement simple dans son propos sur trépied viande-légume-sauce, mais ambitieux dans sa réalisation, car il ne supporterait pas le moindre écart d’assaisonnement. Il n’y en a aucun dans le travail au trébuchet du chef.

Au dessert, un certain «chou à la tropézienne» (12 euros) fait déjà beaucoup parler de lui. Rien que l’intitulé relève du fantasme, on imagine Bardot à côté de Casque d’or, les sens s’emballent. À juste titre: le chou, pas mou pour un sou, est garni d’une crème vanille-fleur d’oranger à tomber par terre. C’est Paris, c’est Saint-Tropez, c’est la France – un conseil, commandez-en deux tout de suite, le premier vous laissera un goût de trop peu.

À ce stade, le lecteur attentif a compris que chez Dandelion, c’est très bon. Il ne sera pas le seul, car la réputation du lieu a franchi l’Atlantique comme une traînée de poudre: ce soir-là, des Américains des deux sexes étaient déjà présents, parlant haut, riant fort, dévorant ardemment, émerveillés de jouer en avant-première dans un épisode d’«Emily in Pantruche».

Pas de menu: on mange à la carte.
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Fiche d’identité

Nom /Dandelion

Lieu /46, rue des Vignoles, 75020 Paris. 01.42.50.01.55. Fermé dimanche et lundi. Carte seulement (compter 70 € hors boisson pour une formule entrée-plat-dessert).

Date de création /1er mai 2024

Parcours /À 35 et 33 ans – ils ne font leur âge ni l’une ni l’autre -, Morgane Souris et Antoine Villard incarnent parfaitement un courant porteur de la gastronomie contemporaine. Ils sont jeunes et beaux, amoureux par-dessus le marché, complémentaires, riches d’un parcours forcément bref mais judicieux. Antoine, qui tient les fourneaux, a tâté du grand classicisme au George V époque Briffard avec brigade pléthorique au garde-à-vous, avant un détour au fin fond de l’Alsace chez l’excellentissime Olivier Nasti, où le Parigot a été «accueilli à bras ouverts» par un patron, exigeant mais bienveillant, et son équipe.

Le meilleur ouvrier de France de Kaysersberg lui a appris le gibier, la cueillette des champignons et des herbes exquises. S’est ensuivi un voyage formateur à Stockholm chez Mathias Dahlgren et son «management à la suédoise» (tiens, bizarre, on n’injurie personne et ça marche encore mieux), puis un retour au Septime de Bertrand Grébaut, temple du miam-miam bobo mais très bon quand même. Morgane a également commencé sa carrière côté cuisine avec Antonin Bonnet (Quinsou) avant de basculer côté salle et cave notamment chez Parcelles, la table bien arrosée du Marais. Le couple a dégotté dans le XXe arrondissement un toit plus une terrasse de rêve pour se lancer – la maison fait bistrot depuis 1900, la voilà d’attaque pour affronter le siècle nouveau.



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