« Continuez sans moi », de Jean-Michel Mestres : le jour où Flo s’est suicidée

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« Continuez sans moi », de Jean-Michel Mestres, La Manufacture de livres, 256 p., 17,90 €, numérique 12 €.

Sur une feuille, Florence Mestres avait laissé un mot très court, juste avant de passer à l’acte : « Mourir sera un soulagement. » Quand sa famille a vidé l’appartement et retrouvé ce papier, peu après, l’une des sœurs a tranché : « Ça, c’est poubelle, on est d’accord. » Il n’y avait même pas de point d’interrogation dans sa voix. Poubelle, donc. « Cela arrangeait tout le monde », commente Jean-Michel Mestres.

Quarante ans plus tard, le temps est venu de fouiller la vieille corbeille, d’explorer les tiroirs, de creuser le plus profond possible pour extirper quelques bribes de souvenirs, et, qui sait, comprendre une parcelle de ce qui s’est joué, ce jour de 1984 où Florence, que tout le monde appelait « Flo », s’est suicidée. Elle avait 28 ans. « Enfant, je voulais devenir archéologue, découvrir des cités enfouies, des ruines cachées », se remémore son jeune frère, Jean-Michel. Le voici donc qui, à retardement, accomplit son rêve d’enfant, sa tâche d’adulte.

Dans La Copiste (La Manufacture de ­livres, 2022), son premier livre, l’ancien journaliste avait mené une jolie enquête sur un carnet dans lequel une main anonyme avait recopié, en 1942, le texte de Partage de midi, une pièce de Paul Claudel (1906) alors confidentielle. Les investigations, ici, se révèlent mille fois plus intimes. Elles aboutissent à un triple portrait puissamment émouvant, celui de la disparue, de son frère, et d’une époque qui commence elle aussi à s’effacer des mémoires.

Flo, donc. Jean-Michel Mestres est l’un de ceux qui l’ont le mieux connue. Elle n’avait que 14 mois de plus que lui. Ils étaient considérés comme de faux jumeaux, et avaient vécu vingt-quatre ans ensemble. A sa mort, pourtant, il n’a guère pu répondre aux interrogations des uns et des autres que par de vagues mimiques et des balbutiements. Puis il a tout enfoui, comme le reste de la famille. Poubelle. Refoulement. « J’ai passé un pacte avec moi-même : tu ne te laisseras pas pourrir ta vie avec ça. »

Coups de blues

A partir des fragments retrouvés, l’auteur-archéologue esquisse à présent la silhouette attachante d’une jeune femme indépendante, malicieuse, courageuse, un peu têtue, toujours au courant de tout. Forte, du moins en apparence. Elle voyage, passe des examens, trouve un travail. Mais plus on s’approche, plus se laissent deviner des signes d’un mal-être profond, des coups de blues. Une première tentative de suicide. Des fêlures nées sans doute de la mort de sa mère, alors qu’elle n’avait que 7 ans.

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