Colson Whitehead : « La mission de la fiction américaine est de ne pas être ennuyeuse »

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Colson Whitehead, auteur new-yorkais de Nickel Boys et d’Underground Railroad (Albin Michel, 2020 et 2017), double Prix Pulitzer, publie La Règle du crime, deuxième volet de La Trilogie de Harlem, après Harlem Shuffle (Albin Michel, 2023). Invité du Festival America, il nous parle de la condition d’écrivain aux Etats-Unis et de ce qui l’anime quand il fait son « job ».

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Vous êtes traduit en Europe ­depuis plus de vingt ans. Quelles différences voyez-vous entre les scènes littéraires américaine et européenne ?

En Europe, j’ai constaté que plus le pays était blanc, plus les questions étaient bizarres. Beaucoup de pays européens ont peu d’habitants noirs. On n’arrêtait pas de me demander : « Pourquoi Obama est-il considéré comme noir, alors que sa mère est blanche ? » A ces stupidités, j’avais envie de répondre : « Pourquoi ne lisez-vous pas mon livre ? Pourquoi devrais-je vous “expliquer les Noirs” » ?

Qu’est-ce qui vous intéresse dans l’histoire des Etats-Unis – qui est au cœur de la plupart de vos livres ?

L’histoire de l’Amérique m’intéresse autant que les occasions qu’elle m’offre. Avec Nickel Boys, j’ai pu imaginer la vie d’adolescents sous les lois dites « Jim Crow » [l’auteur des lois de ségrégation raciale mises en place en 1877], en Floride, dans les ­années 1960, au sein des maisons de correction où certains furent envoyés. Et cela du point de vue d’une personne noire. Toutefois, rien n’oblige un écrivain noir à écrire sur l’histoire ou l’esclavage. Il peut aussi bien écrire de la poésie ou un ­livre de jardinage. J’aime la poésie. Mais ce qui me fascine, c’est de tenter de comprendre l’Amérique. Comment en sommes-nous arrivés là ? Où sommes-nous maintenant ? D’où venons-nous ? Ecrire là-dessus me permettra peut-être de découvrir quelque chose sur moi-même, et sur le fonctionnement du monde.

Vous avez jadis déclaré avoir parfois l’impression qu’on voulait vous « voir écrire autre chose ». Quoi donc ?

Je parlais des écrivains noirs en général. Je n’ai jamais ressenti de pression particulière de mon éditeur. Mon premier roman, L’Intuitionniste [Gallimard, 2003], décrit un groupe d’inspecteurs d’ascenseurs. Il a paru aux Etats-Unis dans la même maison d’édition qui me publie aujourd’hui, ça fait donc vingt-cinq ans qu’ils savent que j’ai souvent des idées bizarres [rires]. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de Noirs, de Latinos et d’Asiatiques publiés aux Etats-Unis. Les jeunes éditeurs n’ont peut-être pas les mêmes com­plexes que leurs aînés baby-boomeurs. Toutefois, le milieu éditorial américain reste très blanc.

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