Avec Mon jour de chance, Patrick Haudecœur joue aux dés et gagne

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CRITIQUE – Portée par Guillaume de Tonquédec, sa nouvelle comédie écrite avec Gérald Sibleyras enchante le public du Théâtre Fontaine.

Même pas peur ! L’équipe de Mon jour de chance convie la presse dès la première sans attendre la semaine de « rodage » obligée pour la majorité des spectacles dans le théâtre privé. Droite dans sa tête, elle est prête à affronter les critiques. Chapeau ! Ce mardi soir, les spectateurs étaient au rendez-vous, les 620 places, strapontins compris, du Théâtre Fontaine étaient occupées. Avant le lever de rideau, une voix off retentit : « La légende dit qu’envoyer un texto apporte sept ans de malheur. À votre place, je ne tenterais pas le coup ! » Un début prometteur.

Comment Patrick Haudecœur et Gérald Sibleyras allaient-ils se renouveler ? Pouvaient-ils faire aussi bien que Berlin Berlin, qui nous plongeait en pleine guerre froide à Berlin-Est sur les pas d’un mémorable Maxime d’Aboville en agent de la Stasi, et aussi bien que Silence, on tourne !, où l’on assistait en direct à un tournage de film catastrophique. Patrick Haudecœur, qui jouait également dans les deux comédies, avait contribué à leur succès.

Avec Mon jour de chance, les deux auteurs changent radicalement de sujet. Difficile de raconter l’intrigue sans en dévoiler les surprises. Nous dirons seulement que Sébastien (Guillaume de Tonquédec) est projeté dans un monde parallèle qui lui permet de revivre des moments clés de son existence. Son personnage est en week-end avec sa femme Valérie (Caroline Maillard) chez leurs amis d’enfance, Franck (Loïc Legendre) et Marie-Noëlle, son épouse (Lysiane Meis). Gauthier (Jean Franco) est également là.

Des dialogues troussés comme de la dentelle

Sébastien râle. Il en a gros sur la patate. Il estime qu’il a raté sa vie contrairement à Franck, qui habite la maison de campagne de son beau-père avec lequel il fait des affaires (beau décor d’Édouard Laug). Il n’a aucun souci d’argent. Graphiste, Sébastien aimerait en avoir un peu pour monter une société de design. Photographe, Valérie voudrait un second enfant. Marie-Noëlle, qui en a deux, écrit des livres qui leur sont destinés. Les membres de ce groupe se souviennent qu’il y a vingt ans, ils ne pouvaient prendre aucune décision sans la jouer aux dés.

C’est là que tout a commencé. Sébastien aurait dû tirer un six pour « gagner » un autre destin. Il a alors une idée qui l’incite à affronter de vieilles peurs. Franck a justement conservé l’objet « fétiche » sur la cheminée. Trempées dans l’absurde, les plumes de Patrick Haudecœur et Gérald Sibleyras s’envolent avec une fausse légèreté. Le propos est plus grave et profond que dans leurs pièces précédentes. On n’arrête pas de rire, mais ici pas de gags ni de blagues de cour de récréation. Des dialogues troussés comme de la dentelle pour parler du sens de la vie, de la part du hasard, le « dieu méconnu » de Beaumarchais. Fait-on les bons choix aux bons moments avec les bonnes personnes ? Qu’en serait-il si on pouvait tout recommencer ?

Trempées dans l’absurde, les plumes de Patrick Haudecoeur et Gérald Sibleyras s’envolent avec une fausse légèreté

Sébastien, c’est nous. En tee-shirt, les mains nerveuses, le regard perdu, Guillaume de Tonquédec, 57 ans, lui prête avec bonheur sa gouaille, mais aussi ses fragilités et ses doutes. Il perd ses repères familiers, retrouvera-t-il sa raison ? Le comédien, qui a reçu le César du meilleur acteur dans un second rôle pour Le Prénom en 2013, remporte l’adhésion de la salle. Pour sa prestation dans La Garçonnière, de Billy Wilder, adaptée par Judith Elmaleh et, déjà, Gérald Sibleyras, il avait ensuite obtenu le prix Beaumarchais du meilleur comédien. Il évolue en confiance dans la mise en scène précise et fluide d’un autre habitué de la bande de Berlin Berlin : José Paul. L’excellent metteur en scène l’avait déjà dirigé dans Time Square, de Clément Koch. Si l’acteur de la série Fais pas ci, fais pas ça est très sollicité par le cinéma, il revient sur les planches dès qu’il en a l’opportunité.

Ses partenaires ne sont pas en reste. Caroline Maillard et Lysiane Meis, également dans Berlin Berlin, régalent le public de leur fraîcheur primesautière. Loïc Legendre, repéré sous la soutane du curé de Chinon dans la trilogie de Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, est un époux convaincant. Jean Franco, qui s’est distingué dans George Dandin ou Le Mari confondu de Molière, mis en scène par Thierry Harcourt, est d’un calme olympien. Berlin Berlin a été couronné de deux Molières, ceux de la meilleure comédie et du meilleur comédien pour Maxime d’Aboville. Gageons qu’il en sera de même pour Mon jour de chance.



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