Au Théâtre Edouard VII, La Famille est loin du conte

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CRITIQUE – Au Théâtre Édouard-VII, Samuel Benchetrit met en scène un dîner à rebondissements opposant deux frères ennemis. Et ménage le suspense avec adresse et beaucoup de drôlerie.

Samuel Benchetrit est un abonné de ce lieu mythique qu’est le Théâtre Édouard-VII à Paris. Après Maman (2021) et Lapin (2023), voici La Famille, l’histoire d’« une famille dysfonctionnelle qui se voit peu mais dont le père, la mère, les deux frères, Max et Jérôme, ainsi que son épouse, Alice, vont devoir se réunir pour un événement qui va changer leur vie », gazouille le communiqué de presse.

Cet « événement » se passera le temps d’un apéro. Voilà une pièce bien charpentée et bien mise en scène. La preuve, elle a tenu bien assis, pendant une petite heure et demie, les spectateurs qui n’ont pas eu le temps de regarder leur montre.

Le décor ? Un salon-salle à manger un peu vieillot. Canapé, vieille chaîne hi-fi, un aquarium sans poissons, une maquette de voilier, le mur du fond tapissé d’un panorama alpestre, une table basse, un fauteuil. Nous sommes chez les parents de Max et Jérôme. Assis face au public, le père (Michel Jonasz) regarde à la télévision un documentaire sur les criquets pèlerins. Derrière lui, la mère (Claire Nadeau) tourne anxieusement en rond. C’est elle qui ouvre le bal : « Ils ne devraient pas tarder. N’empêche, ça fait longtemps qu’on n’s’est pas retrouvé tous ensemble ici… » Le père avachi dans son fauteuil : « Pour Noël. » Elle : « Noël, ça n’compte pas. Ce sont des obligations. On fait semblant. On n’a jamais été heureux, finalement, à Noël. » Lui : « À Pâques non plus. Je n’ai pas souvenir d’une explosion de bonheur à Pâques. »

Un duel saignant

Une conversation banale vite interrompue par l’arrivée de Jérôme (François-Xavier Demaison) et de son épouse Alice (Kate Moran). Jérôme n’a pas l’air dans son assiette. Il semble, a priori, avoir tout pour être heureux : avocat, deux enfants, une femme sublime, une berline de marque allemande. Max, comme d’habitude, est en retard.

Le voilà. Applaudissements. Il est interprété par Patrick Timsit. Max a l’air d’un pousse-mégot. Veste de survêtement, jean pas net, barbe de trois jours, voix éraillée reconnaissable. Il embrasse tout le monde sauf Jérôme, son frère cadet à qui il ne serre même pas la pince. Ils ne se sont jamais entendus, les deux frères. Dès que Jérôme a vu le jour, Max l’a trouvé détestable. Mais Jérôme doit lui demander un service. Un truc vital.

Si le critique vous dévoile l’objet de cette requête un peu spéciale, le spectacle perdra (un peu) de son tabasco. À partir de cette demande urgente monteront les moments d’intensité tragico-comiques puisque Max a décidé de partir au Tibet et ne compte en aucun cas rendre service à son frère. Sauf si… Si quoi ? Eh bien, à la condition que ce dernier lui « prête » sa femme Alice à la belle chute de reins, pendant un an. Max, comme le Père Noël, est une ordure. Les deux frères vont, sous nos yeux, régler leur compte. Le duel sera saignant et (drôlement) pertinent puisque tout le monde dans la salle semble s’y retrouver.

Le spectateur pointilleux remarquera ici et là des gaucheries, des naïvetés, des fautes de goût mais la pièce tient ses promesses jusqu’à l’ultime retournement. Samuel Benchetrit a du métier, un côté roublard dans le sens noble du terme. Contre toute attente, ce ne sont pas les deux protagonistes, les deux vedettes (les deux frères), qui émergent, mais les trois autres personnages : le père, la mère et la belle-fille. 

Michel Jonasz, Claire Nadeau et Kate Moran raflent la mise. Le premier dans sa déconcertante décontraction, la seconde dans sa douce loufoquerie, la troisième dans sa beauté autoritaire. La famille s’étoilera en mille morceaux comme un pare-brise avant de se recoller sous les meilleurs auspices. Allez-y sans crainte et payez-vous un bon rognon sauce madère après la représentation. À bon entendeur…

La Famille, au Théâtre Édouard-VII (Paris 9e). Tél. : 01 47 42 59 92. www.theatreedouard7.com



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