«Après le débat Hayer-Bardella, tout porte à croire qu’on se dirige vers une sanction pour la macronie le 9 juin»

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ENTRETIEN – Le rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire, Arnaud Benedetti, auteur d’Aux portes du pouvoir – RN, l’inéluctable victoire ?, analyse le débat qui a eu lieu ce jeudi entre Valérie Hayer et Jordan Bardella.

Arnaud Benedetti est essayiste et professeur associé à l’université Paris-Sorbonne et rédacteur en chef de la «Revue politique et parlementaire». Il vient de publier Aux portes du pouvoir – RN, l’inéluctable victoire ?, aux éditions Michel Lafon.


LE FIGARO. – Quels enseignements tirer du débat entre la tête de liste Renaissance aux européennes, Valérie Hayer, et la tête de liste Rassemblement national (RN), Jordan Bardella? Qui, selon vous, a pris le dessus sur son adversaire?

Arnaud BENEDETTI. – Sur un plan de la maîtrise de l’outil médiatique, Jordan Bardella dispose des qualités requises pour s’imposer comme un débatteur chevronné: sang-froid, fluidité, esprit de répartie, capacité d’esquive, etc. Il est sans conteste dans un très grand contrôle de sa communication. Donc le rendu est nécessairement très professionnel. Il est parvenu tout au long des échanges à produire une grande stabilité comportementale, d’autant plus efficiente qu’elle émane d’un jeune responsable politique âgé de 28 ans: un effet de contraste qui permet de surperformer dans les perceptions.

Valérie Hayer a, de son côté, montré à l’évidence une plus grande fragilité dans l’exercice, principalement dans l’infra-communication. Elle est apparue plus agressive, sur-jouant certaines «punchlines» dont on comprenait qu’elles avaient été préparées pour la circonstance, ou usant de manière inappropriée – ou à tout le moins excessive – de son statut de femme dès lors qu’elle était, dans le vif de l’échange, contredite par son concurrent. Sa première partie de débat a été laborieuse, quand dans la seconde partie elle est apparue plus en confort.

Sur le fond du débat, chacun est resté nécessairement dans son couloir mais le couloir de Jordan Bardella est, à ce stade, plus en phase, notamment sur les enjeux de sécurité et de migration, avec l’opinion dominante. Toute la difficulté pour Valérie Hayer était de porter le fardeau de sept années de pouvoir. La marche a semblé parfois haute pour un profil plus technique, nouvellement entrante dans cette sphère de haute intensité de la joute électorale à l’échelle nationale. Elle ne s’est pas effondrée certes, limitant la casse. De ce point de vue, tout en étant dominée, elle aura fait le job.

Ce débat marque-t-il le vrai début de la campagne ?

La campagne a déjà amplement démarré, de manière exceptionnellement précoce dans l’histoire des scrutins européens depuis 1979. Ce «face-à-face» fortement asymétrique entre une force en dynamique et une force en difficulté aura confirmé surtout dans leur propre système de convictions, les partisans de chacun des candidats. L’un des éléments saillants de la confrontation fut sans doute de tester la capacité de maîtrise technique des dossiers de la tête de liste RN, qui n’a pas prêté le flanc pour la circonstance, au risque de fragilité dont d’aucuns le soupçonnaient.

 

Le président de la République promeut la souveraineté européenne, conscient que le corps social ne peut plus se contenter d’un outil politique en mode pilotage automatique, mais est en attente – à nouveau – d’un pouvoir qui protège et qui projette.

Arnaud Benedetti

À mesure néanmoins que l’on avancera dans la campagne, les prestations médiatiques feront ressentir leurs effets, pouvant, dans la concurrence que se livrent les autres listes, notamment celles créditées entre 5 et 10% , faire bouger les lignes dans un contexte électoral où la moindre volatilité est susceptible de bouleverser l’ordre du classement final. In fine, les enjeux pour les deux listes qui sont en tête dans les intentions de vote sont pour l’une, le RN, d’être à la hauteur des projections sondagières, pour l’autre, celle de la majorité, de ne pas se faire coiffer par l’outsider Raphaël Gluksmann…

Ce débat a mis en lumière le désaccord des deux candidats sur l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. Valérie Hayer soutient cette idée. Jordan Bardella y est favorable. Les élections européennes, sont-elles en train de se transformer, d’une certaine manière, en un référendum sur l’Ukraine?

Un vote, c’est un cocktail. La question ukrainienne n’est pas centrale dans les préoccupations électorales dominantes des Français. Les enjeux sont d’abord nationaux et si la guerre en Ukraine peut structurer potentiellement les orientations électorales, c’est en raison surtout des effets induits qu’elle peut avoir sur les thématiques domestiques ; comme le coût de la vie, la question budgétaire, ou encore la protection de notre agriculture. Le sujet de l’élargissement de l’Union européenne est, en soit, un axe de clivage car l’élargissement dans la mécanique endogène des institutions bruxelloises suppose toujours un approfondissement de ces dernières dans le sens d’une plus grande intégration fédérale.

Élargissement et approfondissement sont les deux mamelles de l’européisme dont Emmanuel Macron, en France, entend être le héraut. Le président de la République promeut la souveraineté européenne, conscient que le corps social ne peut plus se contenter d’un outil politique en mode pilotage automatique, mais est en attente – à nouveau – d’un pouvoir qui protège et qui projette. Sans le dire, il veut substituer une souveraineté européenne à une souveraineté nationale. Mais dans ce tour de passe-passe, il fait l’économie de la souveraineté populaire qui est la condition sine qua non du fonctionnement démocratique. Cet enjeu en fin de compte est «invisibilisé» alors qu’il est existentiel ; et il devrait être au cœur de cette campagne, car il détermine non pas seulement l’avenir de l’État-nation mais au-delà, la pérennité des démocraties libérales.

Valérie Hayer et Jordan Bardella se sont aussi divisés sur le vote, début avril, par les députés européens, d’un pacte sur la migration et l’asile qui vise à redéfinir la politique d’accueil de migrants au sein de l’Union européenne. Comme à la présidentielle, peut-on imaginer que les questions de sécurité et d’immigration prennent le pas sur la campagne?

Les élections européennes ont toujours été un scrutin où, encore une fois, la nationalisation de la compétition a tenu une grande place, quand bien même la trame européenne en constitue le décor. Elles ont néanmoins rarement eu un impact sur la recomposition politique. Au mieux ou au pire, elles ont acté des éliminations comme celle de Michel Rocard en 1994 malmené à l’époque par la liste de Bernard Tapie ou les votes sanctions contre le pouvoir en place. C’est vers cette dernière configuration que l’on s’oriente pour le 9 juin, dans la mesure où cette élection européenne est la seule élection nationale avant les présidentielles. Mais à ce facteur s’en ajoute un second, qui est celui de l’extrême fragilité de la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale. Une défaite par trop cuisante du parti présidentiel ne manquerait pas d’avoir des répercussions inévitables sur la suite d’un quinquennat qui n’est même pas, faut-il le rappeler, à son mitant…

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