Anne-Laure Kiechel, la super conseillère de l'ombre la plus demandée par les États endettés

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Cette fine négociatrice conseille les États dans leur politique financière. Elle nous dévoile les arcanes d’un métier fascinant, plus que jamais d’actualité.

Comme dans la chanson de Brigitte Bardot, Sur la plage abandonnée, Anne-Laure Kiechel a depuis deux semaines «rangé les vacances» : elle sait que l’été prochain, «tout refleurira» dans sa maison aux murs blancs de Patmos. C’est dans cette île, baignée par la mer Égée, qu’elle se ressource chaque année avec sa tribu. «Une pause rituelle indispensable», souffle-t-elle dans un sourire. Le reste du temps, la conseillère économique, qui s’est fait un nom en aidant l’ex-premier ministre grec, Alexis Tsipras, à restructurer ses emprunts face à l’explosion de la dette publique, en 2009, s’astreint à une discipline olympique. 

Levée à 5 h 30 du matin, elle enchaîne cours quotidien de Pilates et plongée dans un fil d’actualités géopolitiques, avant de rejoindre son bureau ou un aéroport pour répondre à l’appel des gouvernements, friands de ses conseils. «Après les années de pandémie qui ont limité les déplacements, j’ai recommencé à voyager en restant désormais plus longtemps sur place. Pour bien faire ce travail, il faut s’imprégner des pays qui nous sollicitent et multiplier les rencontres sur place», explique-t-elle depuis son QG de la rue de Penthièvre, à Paris, au cœur du triangle d’or de la finance et du pouvoir politique.

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Une expertise unique

Pour aider les États à financer leurs investissements ou leurs dépenses aux meilleurs taux, Anne-Laure Kiechel et ses équipes leur proposent une boîte à outils complète de prestations sur mesure, allant de la levée de fonds à l’orientation des politiques publiques. Projets de réforme, choix des impôts à actionner, plans de développement sur cinq ans… Toute la situation du pays est passée au crible pour trouver les solutions qui lui correspondent le mieux. «Nous proposons à la fois du conseil en politiques publiques, dans plusieurs disciplines, du conseil en structuration de dette et levées de fonds, s’appuyant sur une équipe dédiée, et un département recherche dont les analyses macroéconomiques servent les États et les entreprises.» 

Fondé en 2019, son cabinet, Global Sovereign Advisory (GSA), a poussé comme un champignon après la pluie. En tout juste cinq années, quarante-cinq collaborateurs ont rejoint la papesse du conseil souverain. Près de trente-cinq pays, une poignée d’entreprises publiques et de grands groupes lui font aujourd’hui confiance. Et le terrain d’action de GSA s’étend ainsi sur plus d’une douzaine de fuseaux horaires, des pays du Golfe, aux Balkans, à l’Afrique francophone et anglophone ainsi qu’à l’Amérique latine et aux Caraïbes.

Trajectoire éclair

Lorsqu’elle quitte en 2019 son dernier employeur, la prestigieuse banque Rothschild & Co, à Paris, la financière est loin d’imaginer qu’elle va participer moins d’un an plus tard aux appels d’offres pour restructurer les dettes les plus astronomiques de la planète. Encore moins qu’elle sera invitée sur le plateau de Quotidien, au plus fort de la crise sanitaire, pour répondre aux questions de Yann Barthès sur l’explosion des déficits publics. Aujourd’hui, elle se transforme en superstar lorsqu’elle débarque en force – avec une quinzaine de collaborateurs – lors des deux assemblées générales annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), les principaux bailleurs de fonds multilatéraux mondiaux. 

«Pendant une semaine en avril et en octobre, tout le microcosme de l’écosystème financier converge à Washington, délégués, banquiers, experts en notation, économistes et avocats, et nous en profitons pour accompagner nos pays clients, faire avancer les dossiers et prendre le pouls de l’économie durant les plénières», confie-t-elle. Enfant, elle se rêvait en virtuose du piano, s’entraînant six heures par jour au solfège sous le regard attendri de ses parents, avant de s’imaginer un destin de médecin humanitaire. Après une adolescence itinérante entre la Suisse, la France, les États-Unis et l’Allemagne, elle atterrit en prépa au lycée Louis-le-Grand, à Paris, puis à HEC, en double cursus avec l’université de gestion de Saint-Gall, en Suisse. 

Nous opérons comme un médecin qui identifie les blocages avant de mettre en place le traitement adapté

Anne-Laure Kiechel

En 1999, son choix est arrêté : elle sera banquière. Pas en fusions acquisitions, la filière la plus populaire parmi les jeunes recrues des banques d’affaires, mais pour « faire de la dette ». Autrement dit, lever des fonds auprès des investisseurs pour des entreprises privées ou des trésors publics. Lehman Brothers l’accueille à bras ouverts au sein du département marché de capitaux à New York, puis à Londres et à Paris. La crise des subprimes la contraint à plier bagage le 15 septembre 2008, le jour où la banque se déclare en faillite. 

L’épisode, dit-elle, «la marque à vie.» Mais son expérience lui ouvre, en 2009, les portes de Rothschild pour faire du conseil en notation, avant de créer une practice de conseil aux États, marché alors trusté par la banque Lazard. En 2014, elle brise le plafond de verre en devenant la première associée gérante de la banque de l’avenue de Messine. Sous sa houlette, Rothschild décroche son premier mandat souverain, la Côte d’Ivoire. D’autres trophées suivent, tels l’Argentine, le Chili, l’Albanie, l’Ukraine ou le Sénégal, avant la Grèce en 2016. En 2018 – elle a 43 ans –, le magazine Vanity Fair la classe au panthéon des «cinquante Français les plus influents du monde», juste à côté d’un certain Emmanuel Macron

Un phénomène mondial

Au fil du temps, la conseillère de l’ombre a acquis quelques certitudes. «Nous opérons comme un médecin cherchant à diagnostiquer les blocages avant de mettre en place un traitement adapté, puis en déterminant les financements, réformes ou solutions à envisager», expose-t-elle. Sans surprise, les besoins explosent. Tout comme le niveau de la dette publique mondiale, proche des 90 000 milliards de dollars fin 2023. 

«Le monde est beaucoup plus endetté : les chocs précédents n’ont pas été totalement résorbés, les taux d’intérêt sont montés à près de 3 % dans les économies matures et tutoient les deux chiffres dans de nombreux pays africains contraints aujourd’hui de dépenser plus, pour rembourser leurs intérêts, qu’en éducation, santé ou investissement», explique à grands traits la dirigeante. Résultat : beaucoup de pays émergents recherchent des rehaussements de crédits et des financements bonifiés auprès d’institutions multilatérales et des grands bailleurs comme les pays du Golfe, l’Inde et la Turquie. Les grands travaux ne font que commencer… 



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