Identification d’une cuvée de rêve en Bourgogne

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Voici un flacon confidentiel, un Beaune Premier cru, que seuls quelques initiés vont repérer, mais que tous les connaisseurs vont apprécier.

Ce type de vin apporte la solution définitive à la quadrature du cercle œnologique. Voici un pinot noir capable de réconcilier les fêlés de la finesse, les dingos du vino caressant, ceux qui apprécient le simple souffle des arômes sur leurs cellules sensibles, et les radicaux du camp adverse, inconditionnels de la puissance, les boxeurs du goût qui craquent pour un petit uppercut sur le palais. Parce que ce jus unit tendresse et force. Il est aérien, du genre poète à volutes, plus insaisissable que Houdini, mais sait rester droit dans ses bottes, volontaire, engagé comme un hussard. En outre, il révèle une personnalité complexe qui évolue avec le temps. À 5 ans, c’est un adolescent, abordable et jovial. La maturité va lui donner chaque année un peu plus d’épaules, et surtout de profondeur.

Qui sont les amateurs de Clos des Fèves ? « Certainement pas des buveurs d’étiquettes. Plutôt des gens qui savent ce que sont les grands vins mais qui souhaitent sortir des archétypes, des sentiers battus et des grands noms, pour aller chercher quelque chose d’exceptionnel », explique Vincent Avenel, le directeur de Chanson, auquel appartient ce vignoble. Ainsi, le buveur de ce type de nectar est une personne qui recherche une émotion forte en dehors d’une appellation connue. Il peut être français, anglais, américain, japonais. Au fil des décennies, l’étiquette s’est toujours bien tenue à l’export.

Un secret à bien garder

Le Clos des Fèves est situé à Beaune, une appellation que les gens ne nomment pas spontanément quand il est question de la Bourgogne, lui préférant souvent les terres un peu plus au nord. C’est un monopole – une surface viticole appartenant à un seul producteur –, depuis 1968. «Le clos était morcelé entre différents propriétaires. Il a été racheté par petits bouts pour redevenir un monopole», continue Vincent Avenel. Le Clos des Fèves, dans les vieux classements du docteur Morelot, de Jules Laval ou Camille Rodier, a toujours été classé dans les têtes de cuvée.

Nous sommes dans la partie supérieure du coteau. Le clos – 4,10 hectares en tout –, doit peut-être son nom à quelques arbres – fagus signifie hêtre en latin –, plantés là. En moyenne, ce «climat» produit 16 000 bouteilles par an. Ce qui est peu quand on sait que le monde entier veut siffler les meilleurs vins de la région. D’ailleurs, les trois quarts sont prévendus en allocation avant d’être mis en bouteille. Les tarifs oscillent autour de 100 euros, ce qui reste très abordable pour un vin de Bourgogne de ce niveau, surtout si on le compare aux vins issus des appellations de la Côte de Nuits, dont les tarifs ont explosé ces dernières années. À la dégustation, chacun comprend que ce vin n’a aucun complexe à avoir vis-à-vis des premiers crus de la Côte de Nuits. Rappelons qu’aucune parcelle n’est classée «grand cru» à Beaune. S’il y en avait, le Clos des Fèves serait un prétendant sérieux. Alors, prière de ne pas trop parler de ce petit bijou épargné par la fureur inflationniste. Ami lecteur, nous comptons sur vous.

Ces tarifs pas si élevés sont peut-être liés à l’activité du propriétaire, Chanson, dont une part significative des vins est issue du négoce, moins valorisé, tandis que le reste est produit par des vignerons. À l’avenir, la balance devrait pencher en faveur de la viticulture sur mesure. L’an passé, la maison Chanson a acquis 48 hectares en Côte chalonnaise. «Nous voulons plus de vins de domaine, explique Vincent Avenel. Il s’agit aussi de réduire la dépendance de l’entreprise vis-à-vis des approvisionnements dans un marché volatil où l’on n’est plus certain de trouver ce que l’on cherche. Trouver des jus est un gros problème car, ces dernières années, avec le gel en 2016 et 2021, mais aussi les périodes de sécheresse, les rendements ont baissé. Il y a un gros manque de volume au moment où la Bourgogne n’a jamais eu autant la cote auprès des amateurs. Certes, nous n’arrêtons pas le négoce mais nous prenons soin de ne pas trop en dépendre.»


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La vieille maison produit depuis belle lurette de petites merveilles sur les plus belles terres de la région. On le découvre en arpentant les alignements de flacons. Ici, on monte à la cave. Les barriques sont entreposées en hauteur, sur plusieurs étages, dans le bastion, un édifice aux murs de 7 mètres d’épaisseur, érigé sous Louis XI pour protéger la ville. Chanson est bien la seule maison à utiliser ce type de structure pour vinifier. Le moins que l’on puisse dire est que l’altitude lui réussit. En blanc, on s’attarde avec plaisir sur la cuvée Pernand-Vergelesses Les Caradeux (Côte de Beaune), marquée par des touches salines qui lui viennent de la terre. Ou sur un Chassagne-Montrachet Les Chevenottes, autre chardonnay aux arômes d’épices et de safran, un vin souvent dominé par un zeste citronné qui lui donne une formidable texture. Une cuvée à mettre sur une table lors d’un repas et à bannir des afterworks.

Fin et puissant

Il faut aussi déguster Le Clos des Mouches, plus tendu. Ici, tous les goûts trouvent leur vin. Dans sa version pinot noir, Le Clos des Mouches se révèle suave, subtil, sur les palettes de violette. Quand il vieillit, il devient chocolaté avec une touche After Eight, tout en restant digeste et fluide. Le Savigny Dominode affiche une subtile rondeur, un joli gras, de l’onctuosité, du moelleux.

Mais revenons à notre Clos des Fèves 2020, à sa robe au pourpre sombre, à ses parfums de pivoine, de framboise et de cerise. À ses notes de chocolat noir, de café et de réglisse. En bouche, il est rond, d’une ampleur classieuse. Sans jamais en rajouter. Il a beau être issu de raisin cueilli fin août, en pleine chaleur, il sait rester beau. N’oubliez pas que c’est un artiste. Il la joue fine. La finale dit tout cela. Longue, très longue, tenue en permanence par un trait de fraîcheur. Un deuxième verre, s’il vous plaît ! Et avec cela ? Un mets de saison, disons du gibier. Un faisan sera parfait. À défaut, une volaille de Bresse remplira son office. Le Clos des Fèves a suffisamment de puissance pour tenir tête à un lièvre à la royale ou un canard au sang. Les fromagivores, quant à eux, l’accompagneront d’un brillat-savarin ou encore d’époisses.

Cet article est issu du F, l’art du vivre du Figaro



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