À Sciences Po, la direction sous le feu des critiques après avoir cédé au chantage des militants

Partager

Après la mobilisation de la semaine dernière, l’école avait annoncé un accord avec les quelques dizaines d’agitateurs pour faire cesser les blocages. Une « capitulation » que regrettent amèrement nombre d’étudiants de la majorité silencieuse.

Sciences Po sera encore sous le feu des projecteurs cette semaine. Confrontée à une bruyante mobilisation organisée en fin de semaine dernière par le comité Palestine de Sciences Po, qui draine une minorité agissante d’une cinquantaine d’étudiants, la direction de l’école – assurée par un administrateur provisoire depuis la démission de Mathias Vicherat il y a un mois et demi – a annoncé le 26 avril un accord avec ces étudiants pour mettre fin aux blocages.

À leur demande, la direction a accepté d’organiser le 2 mai un « town hall », ces réunions publiques dans lesquelles, selon la tradition démocratique américaine, les élus répondent directement aux questions de leurs administrés. La droite et l’extrême droite dénoncent une « capitulation » de l’école. Et parmi ses 13.000 étudiants, des voix venues de la majorité silencieuse estiment que la direction « a cédé au chantage de quelques dizaines de militants ».

«Je ne reconnais plus l’école»

« Je ne reconnais plus l’école que j’ai intégrée il y a six ans, rapporte un étudiant de l’école de droit, en deuxième année de master qui, avec une dizaine de camarades veut faire entendre la voix “des autres”. Pour moi qui venais d’un petit lycée du Finistère, Sciences Po, c’était un investissement intellectuel et financier. Il y a six ans, la liberté d’expression avait toute sa place. J’avais des amis chez les Jeunes communistes, les Jeunes LR. Aujourd’hui, les associations représentatives n’existent plus sur le terrain. On doit se taire face à une minorité bruyante », affirme-t-il. Le jeune homme constate aussi que le public « a changé », en quelques années. « Il y a beaucoup plus d’étudiants étrangers, mais aussi d’étudiants purement militants, inscrits dans des masters “bullshit” comme le master Human Rights. Ces militants sont très organisés. Sur Instagram, ils partagent des noms d’avocats. Ils sont capables de faire venir des personnalités politiques comme Aymeric Caron », poursuit-il, avant de se dire choqué par des « tenues vestimentaires comme les sarouels, et les voiles de plus en plus fréquents ».

Sans attendre le débat interne prévu le 2 mai, « ouvert à toutes les communautés de Sciences Po », a expliqué la direction, la famille du grand économiste Jean-Paul Fitoussi a annoncé qu’elle suspendait immédiatement le partenariat entre sa Fondation et Sciences Po, et sa bourse d’excellence. « Le fait que Sciences Po envisage même de répondre aux demandes de ces élèves est non seulement choquant mais aussi dangereusement indulgent, écrit David Fitoussi. Je suis consterné par la réponse de Sciences Po, surtout en comparaison avec les réactions fermes observées dans des universités américaines. »

 »
data-script= »https://static.lefigaro.fr/widget-video/short-ttl/video/index.js »
>

Un écho aux manifestations américaines

Comme un écho aux manifestations propalestiennes sur les campus de Yale et de Columbia, où des étudiants ont dressé des tentes pour protester contre la guerre à Gaza et réclamer le boycott par leur université de toute activité en lien avec Israël – et où la police a procédé à des interpellations -, le comité Palestine de Sciences Po Paris s’est mobilisé en fin de semaine dernière dans le 7e arrondissement parisien. Le 24 avril, dans la cour d’un bâtiment du campus Saint-Thomas où flottait une banderole aux couleurs du drapeau palestinien, une trentaine d’étudiants appelant à une veillée avait installé des tentes. Avant d’être délogée dans le calme par les forces de l’ordre. Dans la nuit du 25 au 26 avril, quelques dizaines d’étudiants avaient ensuite occupé des locaux de la rue Saint-Guillaume.

La mobilisation s’était poursuivie le vendredi à l’intérieur et aux abords du bâtiment, emmenée par plusieurs dizaines d’étudiants, keffiehs sur la tête, drapeaux palestiniens accrochés aux balustrades, sur fond de slogans tels qu’« Israël assassine, Sciences Po complice », « Free Palestine » ou encore « Nous sommes tous des enfants de Gaza ».

Cinq députés LFI, parmi lesquels la militante franco-palestinienne Rima Hassan, candidate aux élections européennes, étaient présents à leurs côtés, arborant l’écharpe tricolore. La voix de Jean-Luc Mélenchon avait même résonné depuis l’Arménie, dans un message enregistré. « Vous êtes l’honneur de notre pays », a déclamé le leader Insoumis aux quelques centaines d’étudiants réunis, à qui il a adressé « le salut le plus reconnaissant et le plus admiratif ». La tension était ensuite montée dans l’après-midi, avec l’arrivée d’une cinquantaine de manifestants pro-Israël criant notamment « Libérez Sciences Po » ou « Libérez Gaza du Hamas ».

«Le débat du 2 mai permettra d’aborder tous les sujets»

Face aux pressions, à l’heure où les examens vont débuter, la direction a conclu un accord avec le comité Palestine de Sciences Po. Lequel exige « la condamnation claire des agissements d’Israël par Sciences Po », « la fin des collaborations » avec toutes « les institutions ou entités » jugées complices « de l’oppression systémique du peuple palestinien », ainsi que la suspension des saisines de la section disciplinaire engagées depuis le 17 avril. « Le débat du 2 mai permettra d’aborder tous les sujets et d’expliquer. Pas question de revenir sur les accords et partenariats avec des universités israéliennes », affirme-t-on à Sciences Po. Mais il est déjà acté que les saisines de la section disciplinaire engagées depuis le 17 avril seront « suspendues ». « Qui dit négocier, dit faire des concessions », poursuit-on à Sciences Po, où l’on met de côté les événements du 12 mars.

Ce jour-là, quelque 300 étudiants et militants propalestiniens avaient occupé l’amphi Boutmy, dans le cadre d’une journée de mobilisation universitaire européenne pour la Palestine. L’Union des étudiants juifs de France (UEJF) avait dénoncé des propos antisémites. En parallèle de l’enquête judiciaire ouverte, une enquête administrative interne rendra ses conclusions d’ici à quelques jours.

Le bateau est en train de couler

Avant l’organisation du débat à l’école, le comité Palestine affirme qu’il reste déterminé et mobilisé, tandis que du côté des syndicats d’étudiants, l’Union étudiante, créée il y a un an dans le sillage de LFI, ainsi que l’Unef appellent à se mobiliser sur les lieux d’études. « La direction de Sciences Po a lâché. Le bateau est en train de couler, estime Quentin Coton, représentant de l’Uni Sciences Po, syndicat marqué à droite. On n’est pas très optimiste », poursuit-il, avant d’évoquer le campus de Sciences Po à Menton, qui compte 60 % d’étudiants étrangers, pour beaucoup issus du monde arabe, et où le conflit israélo-palestinien résonne fortement.

 

Du côté des enseignants et des contenus, on a quelques cours sur le genre et le postcolonialisme, mais la majorité ce sont des cours classiques

Un professeur à Sciences Po

« On a une cinquantaine d’excités manipulés par LFI sur 13.000 étudiants ! », tempère de son côté un professeur depuis vingt ans à l’école. Mais l’enseignant observe cependant une évolution des profils des étudiants, liée à la politique de discrimination positive menée par l’école, avec la suppression du concours d’entrée. « Du côté des enseignants et des contenus, on a quelques cours sur le genre et le postcolonialisme, mais la majorité ce sont des cours classiques. Ensuite, la nécessaire internationalisation de la recherche nous pousse à nous ouvrir à d’autres thèmes. Beaucoup de nos enseignants et nos étudiants font des allers-retours aux États-Unis. Peut-être que ce qu’il se passe aux États-Unis va arriver en France, mais j’espère que Sciences Po n’en sera pas la porte d’entrée », conclut-il.

 »
data-script= »https://static.lefigaro.fr/widget-video/short-ttl/video/index.js »
>

#Sciences #direction #sous #feu #des #critiques #après #avoir #cédé #chantage #des #militants

Source link

Home

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut