À Patrimonio, l’esprit rebelle incarné par Thomas Santamaria

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LA NOUVELLE GARDE DE PATRIMONIO (3/5) – Dans le nouveau paysage de Patrimonio, Thomas Santamaria détonne, animé par une dualité entre respect des traditions et esprit rebelle.

Toute la semaine, nous partons en Corse à la découverte de celles et ceux qui font le présent et le futur de Patrimonio. Aujourd’hui, rencontre avec Thomas Santamaria.

En remontant les virages en lacets de la route qui mène au lac de Padula, on croise le petit village d’Oletta, dont le nom aux consonances enfantines détonne avec la beauté presque dramatique des paysages alentour. Au-dessus des montagnes, d’épais nuages noirs s’alourdissent d’un orage qui n’en finit plus de ne pas éclater. Au bout d’un large chemin de cailloux blancs, des cliquetis de bouteilles nous encouragent à pénétrer dans le petit local où Thomas Santamaria et sa compagne s’affairent entre deux ordinateurs et quelques caisses de rouge. T-shirt blanc, crâne rasé, feuillages tatoués dépassant d’une manche courte, sa carrure aux faux airs d’ancien détenu contraste avec l’intelligence et la douceur de son phrasé, et c’est le plus naturellement du monde qu’il entame la conversation, nous invitant à emprunter le chemin des vignes.

Mathis (à gauche) et Thomas Santamaria du Domaine Santamaria, en Corse.
Laura Stevens

Sixième génération à se succéder à la tête du domaine familial aux côtés de son frère Mathis, ce n’est qu’après des études en viticulture dans le Sauternais – qui l’ont «dégoûté du métier» – et plusieurs mois d’hésitation qu’il se décide à marcher dans les pas de son père. Mais la confrontation de leurs deux philosophies dans la conduite des 20 hectares de vignes est loin d’être une sinécure. «Nous sommes en conflit permanent, mais c’est un débat constructif. Je crois à l’effet passoire de la prise de décision : les meilleures passent ! admet-il en souriant. Si j’y crois en revanche, je fonce, quoi qu’il en dise.» À l’inverse de la prudence affichée par son père, Thomas ne se soucie pas une seule seconde «de ce que pensent les clients», préférant adopter une approche minimaliste, replanter du vermentino et du grenache en lieu et place de 2 hectares de vieux cinsaults, qui donnaient autrefois la poétique cuvée Montre tes Yeux. En cave, il s’interdit d’intervenir sans observer, réfléchir, essayer, pour mieux faire ce qu’il aime par-dessus tout : «De l’orfèvrerie». Investir des millions ? Dans une autre vie, peut-être. Pour l’instant, il se contente de vivre de ce que sa production lui rapporte. «On fait de l’argent avec du vin, pas du vin avec de l’argent», affirme-t-il en nous tendant un verre directement versé à partir des cuves en fermentation.

Un rosé tirant sur le rouge

Chaque millésime, ce sont désormais non moins de 60 000 à 80 000 bouteilles qui s’écoulent sur l’île et le continent, ainsi qu’à l’étranger, malgré un sérieux coup de frein suite à la crise sanitaire : «Exporter 80% aux États-Unis était un pari risqué. Aujourd’hui, pour l’étranger, je réserve un tiers de ma production, majoritairement vers l’Europe.» Certifiées en bio, ses cuvées se déclinent sur deux couleurs, avec toutefois un «rosé tirant sur le rouge», qui ne semble pas être au centre de ses préoccupations. En bouteille, des vins de garde ou plus immédiats, à l’instar de sa cuvée Tranoï, 100 % vermentino, à la fois dense et aérien, salin comme une fiole de larmes, ou encore son «grand blanc» élevé sous bois, au toucher de bouche insolemment onctueux. Enfin, des rouges puissants, grainés, taillés pour durer…

Domaine Santamaria
Laura Stevens

«J’aime boire des vins que je comprends», affirme-t-il, comme pour justifier ce qui pourrait s’apparenter à une fausse simplicité. Tous arborent une étiquette dessinée par l’illustrateur Scott Pennor’s, dont il aura découvert le travail par le plus grand des hasards : «J’ai immédiatement été fasciné par son travail, et au fil du temps, il est devenu un ami. Il dessine toutes mes étiquettes, je lui donne des directions, des symboles, des idées… Je pense en premier lieu à l’habillage avant de penser au vin, afin de lui donner un style.» Mis côte à côte, ses flacons sont à l’image du foisonnement et des contradictions qui semblent se battre en duel dans la psyché du jeune vigneron, à savoir un mélange de respect des traditions, d’esprit rebelle, de coude léger, et d’un imaginaire qui vous évoquerait presque l’univers science-fictionnel d’un Alain Damasio. Au loin, on entend le patriarche de la famille crier les prénoms des deux frères, sans doute étonné de ne pas les apercevoir dans les vignes. Encore largement en âge de travailler la terre, il lui faudra composer quelques décennies supplémentaires avec la jeune génération, avant de véritablement passer le flambeau. «Je le comprends, conclut Thomas avec sagesse. Après tout, la vigne est le dernier bastion de mon père.»

Cet article est issu du F, l’art de vivre du Figaro.

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