A la fashion week de Londres, ode au saphisme

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« Nous entrons dans une nouvelle ère joyeuse de mode lesbienne » : c’est le titre d’un article du New York Times qui décryptait, en juin, la montée en puissance d’un vestiaire féminin empruntant aux codes masculins, revendiquant une attitude butch (abréviation de butcher, « boucher » en français), affranchie des coquetteries et ne plaçant pas la séduction des hommes au centre du propos. Alors que la mode a tendance à surjouer l’érotisme entre hommes ou flirte volontiers avec un corpus culturel gay, la fashion week de Londres, du 12 au 17 septembre, a mis en lumière deux figures de la culture lesbienne britannique.

Chez S.S. Daley, dont la pop star Harry Styles au premier rang est devenue l’un des investisseurs cette année, c’est la peintre Gluck (1895-1978) qui inspire à Steven Stokey-Daley sa première collection pour femme. « Hannah Gluckstein venait d’une grande famille de restaurateurs, rappelle le designer. Mais, à 20 ans, elle a préféré rejeter son nom, déménager de Londres à Cornwall, s’habiller à la garçonne et multiplier les maîtresses très féminines qu’elle peignait » : tailleurs, cheveux courts gominés et pipe. Son élégance, classique dans la forme et rebelle dans l’attitude, inspire au créateur de 27 ans de nobles costumes shorts brodés à col haut ou un large tailleur en velours côtelé.

Une cravate en plumes noires forme un clin d’œil à Requiem (1964), un tableau de l’artiste représentant un oiseau mort. Quant aux fleurs peintes par Gluck, qui vécut dans les années 1930 une passion avec Constance Spry, fleuriste de la haute société et de la royauté, elles deviennent des imprimés chatoyants sur des robes plissées ou se retrouvent reproduites en perles, créant des jupes pixellisées.

La violette et le monocle

Tout comme Steven Stokey-Daley, Erdem Moralioglu a épinglé sur son moodboard d’inspirations la silhouette androgyne de la peintre américaine Romaine Brooks (1874-1970), autre référence de la culture lesbienne. Mais c’est l’autrice anglaise Radclyffe Hall (1880-1943) qu’il met au centre de sa collection. « Son livre, Le Puits de solitude, paru au Royaume-Uni en 1928, dans lequel l’héroïne se fait appeler John et s’éprend d’une femme, fut interdit à sa sortie avant de devenir une bible lesbienne qui se passait sous le manteau », rappelle Erdem Moralioglu.

Sous les colonnades du British Museum, il propose des costumes en laine marine ou gris taillés selon les règles de Savile Row, des manteaux croisés à rayures, des costumes pastel et des chemises blanches en popeline. En alternance se succèdent des robes du soir sophistiquées, relevées de passementeries : voiles d’organza, dentelles, broderies de perles, franges crochetées à la main. Pour prolonger l’aura clandestine du roman banni, le créateur fait coudre la couverture originale sur les manches, glisse l’exergue dans la doublure des vestes et parsème des symboles lesbiens de cette époque, tels que la violette (en broderies) ou le monocle (en broche).

L’ensemble constitue une garde-robe très variée mais toujours élégante, à l’heure où un premier ouvrage de recherche sur les évolutions du vestiaire lesbien (Unsuitable. A History of Lesbian Fashion, Hurst Publishers, non traduit), signé de l’historienne de la mode Eleanor Medhurst, vient tout juste de paraître au Royaume-Uni.

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